La semaine du handicap : Portraits de professionnels - Geoffroy

Victime d'un accident en mars 2020, le Dr Geoffroy Moucheboeuf a dû être amputé d'une jambe. Lors de cette rencontre, il nous a raconté la violence de son accident en pleine pandémie Covid 19, la difficulté de ne pas voir ses proches, la douleur... Mais nous retiendrons surtout sa motivation, sa persévérance, sa reconstruction grâce au sport et au soutien de ses proches et de ses collègues.
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Dr Geoffroy MoucheboeufQue s'est-il passé en mars 2020 ?
« Le 5 mars 2020, je suis parti dans les Alpes italiennes pour skier avec un ami. Juste avant d'arriver à destination, nous sommes descendus de notre voiture pour aider un couple à mettre des chaînes sur son véhicule. C'est à ce moment-là, qu'une voiture m'a violemment percuté. Le choc. J'ai cru mourir. J'ai été transporté dans un hôpital en Italie. Ils m'ont opéré pendant plus de 8h et je suis resté une semaine en réanimation. J'ai beaucoup souffert. Je suis revenue en France le soir de la fermeture des frontières, le 12 mars. J'ai directement été pris en charge par mes collègues du CHU de Bordeaux. À mon arrivée, j'ai vraiment eu le sentiment d'être en lieu sûr, d'être « à la maison ». Ils ont calmé mes douleurs aussi bien qu'ils le pouvaient. Ensuite, je suis resté deux semaines en réanimation chirurgicale et deux semaines en réanimation brûlé. Après ces jours difficiles, le 20 mars, exactement, j'ai fait le choix de l'amputation. En tant que médecin rééducateur, je me doutais du futur proche... J'ai préféré l'amputation à un résultat fonctionnel qui serait nul voire impossible. Ensuite, je suis partie à la tour de Gassie pendant un mois pour attaquer ma rééducation ».

Comment s'est passée cette période de rééducation ?
« Après l'amputation, il y a une phase de gestion de la douleur, de gestion de la cicatrisation, de re nutrition... On doit aussi se remuscler, mais j'étais ultra motivé ! Je faisais beaucoup de kiné. Depuis le début, j'ai décidé de ne pas me laisser faire par cet accident. Le sport, mes amis et ma famille m'ont aidé à surmonter tout ça. Quand j'ai pu enfin porter ma prothèse, je faisais des allers-retours dans les couloirs, je faisais des tours de quartiers... Je n'arrêtais pas. L'été qui a suivi, j'ai fait de la rééducation à Bidard et j'ai repris le surf, cela m'a beaucoup aidé. Je me suis senti plus à l'aise à partir de septembre 2020. Je commençais à savoir faire, 400/500 mètres. Ensuite, j'ai décidé de reprendre le travail en novembre. »

Justement, comment s'est déroulée cette reprise professionnelle ?
« Mon premier jour s'est passé comme tous les autres jours, naturellement avec les patients. Mon équipe a été super. Ils m'ont aménagé mon emploi du temps et ils ne me posaient pas trop de questions... Par contre, j'ai voulu aller déjeuner à l'internat avec mes collègues et à ce moment précis, je me suis un peu surestimé. La distance était trop grande... C'est à cet instant que j'ai réalisé que j'allais surement avoir besoin d'aide pour me permettre d'être à l'aise dans mon exercice professionnel. L'équipe d'Hélène DELACOURT est intervenue très rapidement. »

Comment cela s'est-il passé concrètement ?
« Un ergonome est venu à ma rencontre. Il m'a posé de nombreuses questions. Deux jours après, il m'a proposé un rapport avec des solutions. J'ai pu par exemple avoir accès à une trottinette électrique pour aller à la fac ou à l'internat... J'avais aussi très mal au dos, j'ai pu être équipé d'un fauteuil adapté. En hôpital de jour, je suis beaucoup au lit du malade, je fais des infiltrations, des injections, ce sont des gestes ou je dois être debout. C'est épuisant... J'ai pu avoir un tabouret qui se penche un peu et qui me permet de faire ces gestes plus facilement. Grâce à toutes ces petites aides, mes journées se passent mieux. Je pars du principe qu'il faut travailler dans de bonnes conditions. Le cadre de travail et l'équipe valent à 50 % de notre bien-être au travail donc autant faire en sorte que le cadre soit bien. Il faut demander de l'aide. Je pense que le médecin du travail a un rôle très important à jouer ».

Et le sport dans tout cela ?
« Ma plus grande terreur était de ne plus pouvoir surfer... J'ai vite envisagé la reprise et avec mon ortho prothésiste nous avons trouvé une solution pour que je surfe debout. Grace au surf, je me sens normal, ça me sort du cadre du handicap. Si t'es capable de surfer, t'es capable de tout faire. J'ai aussi comme projet de reprendre le triathlon, de refaire du vélo, de la course, de la nage... Le sport était vital pour moi avant, mais ça l'est encore plus aujourd'hui ! Je me sens vivant. Auprès de mes patients, j'insiste encore plus qu'avant sur le soutien familial, le soutien amical, le handisport et l'APA (l'activité physique adaptée) ».

Est-ce que votre accident à changer votre façon de travailler, de parler, d'échanger avec vos patients ?
« J'ai vécu beaucoup de souffrances personnelles depuis mars 2020. J'ai aussi vu l'impact que cela a pu avoir sur ma famille, ma femme Maintenant, je fais encore plus attention aux proches. Dans notre quotidien de médecin, on voit des choses très dures, parfois, on se détache un peu de la situation clinique du patient, mais il ne faut pas oublier qu'il y a une vie derrière une famille... Cette expérience personnelle me l'a rappelée au fer rouge ! »

L'œil RH

Les dispositifs d'accompagnements au handicap peuvent être mobilisés pour tous les professionnels du CHU de Bordeaux, y compris le personnel médical.
Pour sa reprise de travail, il était important de pouvoir aménager rapidement l'environnement de travail de Geoffroy. Nous avons fait intervenir un ergonome spécialiste du handicap moteur afin de déterminer les solutions de compensation les plus adaptées à ses contraintes, à son environnement de travail, mais aussi à son mode de vie sportif. Comme il le précise bien, ces aménagements sont déterminants pour participer à une meilleure qualité de vie au travail !
Hélène Delacourt
Référente handicap

Novembre 2021