Septembre 2018: l'ECMO dans le SDRA

L'ECMO dans le SDRA reste une thérapie de recours

Extracorporeal membrane oxygenation for severe acute respiratory distress syndrome

N Engl J Med 2018;378:1965-75.

10.1056/NEJMoa1800385

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Introduction

Dans le traitement du SDRA sévère, une stratégie de rapprochement des patients de centres utilisant l'Extracorporal Membrane Oxygenation (ECMO) a montré un bénéfice sur la mortalité en 2009 (étude CESAR). Cependant, cette étude souffrait d'une méthodologie discutable avec près de 25% des patients n'ayant pas reçu le traitement évalué. L'objectif d'EOLIA est de comparer l'ECMO à une stratégie optimisée usuelle de ventilation protectrice dans le SDRA sévère.

Méthodes

Essai thérapeutique randomisé contrôlé, multicentrique en deux bras parallèles. Les critères d'inclusion comportaient un SDRA <7j avec des critères de gravité (PF<50 >3h ou PF<80 >6h ou pH <7.25 avec PaCO2≥60 mmHg >6 h malgré FR à 35/mn et Pplat≤32 cmH2O), ce qui supposait une optimisation de la ventilation avant de pouvoir inclure. Le groupe ECMO devait avoir la technique le plus rapidement possible. Le groupe contrôle avait une ventilation protectrice et optimisée. Un cross-over était possible du groupe contrôle vers le groupe ECMO à la discrétion du clinicien. Le critère de jugement principal (CJP) était la mortalité à 60 jours. Des critères de sécurité et tolérance étaient mesurés. Les analyses ont été faites en ITT. Avec une puissance de 80% et un risque alpha de 5%, le calcul d'effectif prévoyait d'inclure 331 patients pour observer une diminution de mortalité de 60 à 40% dans le groupe ECMO. Des analyses intermédiaires avec un comité de décision indépendant ont été effectuées.

Résultats

240 patients ont été inclus suite à un arrêt précoce de l'étude devant l'absence de mise en évidence de différence du CJP entre les 2 groupes. Il s'agissait de SDRA sévères (PF à 70, pH moyen à 7.24), avec une majorité de pneumopathies infectieuses, intubés depuis environ 30h. L'immense majorité étaient curarisés, environ 60% avaient eu du DV et du NO. L'ECMO a été posée 3.3±2.8h après la randomisation. 35/125 patients du groupe contrôle ont eu l'ECMO par cross-over à 6.5±9.7j. Pendant les 60 premiers jours, 44 patients (35%) du groupe ECMO et 57 patients (46%) dans le bras contrôle sont décédés (RR =0,76, IC95% [0,55-1,04], p=0,09). Le cross-over a eu lieu chez 28% des patients du groupe contrôle avec une mortalité de 57% (RR=1.39 IC95% [0.95-2.03] par rapport aux autres patients du groupe contrôle). Les complications hémorragiques et thrombopénies sévères étaient plus fréquentes dans le groupe ECMO.

Discussion

Nous avons essayé de lever le doute concernant les résultats statistiques. Ils ne manqueront probablement pas d'être commentés, vu le p à 0,09, notamment par ceux qui continue de défendre l'ECMO systématique dans l'indication des SDRA sévères. Il n'est pas correct du point de vue statistique de se réfugier dans la critique de l'analyse intermédiaire. En effet les analyses intermédiaires tiennent certes compte de la différence d'estimation dans l'étude (11% ici), mais aussi de la variance des résultats. Celle-ci était suffisamment grande pour que la décision d'arrêter l'étude pour futilité soit incontestable statistiquement (cf. annexes de l'étude). Par contre, il est regrettable que les auteurs aient surévalué la mortalité dans leur calcul d'effectif (60% contre 46% en réalité), ce qui amène toujours un manque de puissance par la suite.
Alors pourquoi l'étude est négative ? Il faut d'abord noter que 166 patients n'ont pas été éligibles car déjà placés sous ECMO, ce qui biaise l'analyse. De plus, une partie substantielle des patients randomisés groupe contrôle ont finalement eu l'ECMO : les auteurs ont réalisé une analyse statistique permettant d'ajuster à ce fort taux de cross-over et ne retrouve toujours pas d'effet statistiquement significatif (cf. annexes). Pour l'expert en ECMO du Jclub, la principale raison est l'inclusion de patients ayant un PF<80 pendant 6 heures, patients graves mais probablement pas assez pour bénéficier d'une ECMO que l'on peut considérer dans ce cas comme précoce. L'analyse de sous-groupe montre une tendance dans ce sens pour les patients avec rapport PF±60 (cf. annexes, analyse de sous-groupe). Dans une série de 80 demandes d'ECMO en Aquitaine, les patients sélectionnés mais récusés car le rapport PF était entre 60 et 80 sans indication rescue à l'ECMO, la mortalité à J28 était de 20%. Inférieure donc à celle du groupe ECMO de l'étude. Cela va dans le sens du maintien de la ventilation du SDRA traditionnelle chez ces patients avec le recours aux curares, au DV, à la PEP, en attendant éventuellement l'apparition de critères de rescue.

Il sera très difficile à l'avenir de mener une étude chez les SDRA les plus sévères, le taux de patients déjà sous ECMO avant la randomisation, le taux important de cross-over montrant que l'ambivalence n'existe guère plus chez les médecins prenant en charge ces patients. Le plus important est surement le niveau de PF auquel demander conseil à une équipe ECMO expert, finalement plus que de fixer un rapport PF à 80 pour systématiquement avoir recours à cette technique, ce qui a échoué dans l'étude EOLIA.

Présents 

Drs Bui, Clouzeau,Cayrol, Guesdon et Prs Gruson, Boyer (Médecine intensive Réanimation GH Pellegrin), Dr Guisset (Médecine intensive Réanimation Hôpital St-André), Dr Cantero (Réanimation CH Albi), Dr Andrieu (Réanimation CH Dax), Dr Tran Van (Réanimation Hôpital R Picqué), Dr Delord (Réanimation Clinique Bordeaux Nord), Dr Dewitte (Réanimation GH Sud Magellan), Drs Berdaï et Pageot (Pharmacologie, GH Pellegrin)

Expert

Dr Rozé (Réanimation GH Sud Magellan)

septembre 2018