SEPT 2023 Les corticoïdes dans la pneumopathie sévère, c'est un oui !

The New England Journal of Medicine 2023

 Hydrocortisone in Severe Community-Acquired Pneumonia

 DOI: 10.1056/NEJMoa2215145

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Introduction

Bien que l'effet anti-inflammatoire et immuno-modulateur des glucocorticoïdes soit documenté, nombre d'études récentes proposant une corticothérapie systémique sous des formes, posologies et protocoles d'administration différents ont retrouvé des résultats hétérogènes en matière d'efficacité et de sécurité. Des recommandations européennes de 2023 suggèrent son utilisation uniquement dans la pneumopathie aigüe communautaire sévère avec choc septique. L'étude CAPE COD vise à démontrer la supériorité de l'hydrocortisone utilisée de façon précoce par rapport à un placebo dans le traitement des pneumopathies aigües communautaires sévères admises en réanimation.

 

Méthodes

Essai en double aveugle, contrôlé, randomisé, dans 31 centres français avec inclusion des adultes en réanimation ou soins continus avec diagnostic clinique (2 critères parmi toux, expectorations purulentes, douleur thoracique et dyspnée) et radiologique de pneumopathie aigüe communautaire sévère (au moins un critère parmi initiation d'une ventilation mécanique invasive ou non, oxygénothérapie haut-débit (OHD) avec PaO2/FiO2 <300mmHg et FiO2 >50%, oxygénothérapie au masque à réservoir avec PaO2/FiO2 estimé <300 ou un score >130 du Pulmonary Severity Index) admise à l'hôpital depuis <48h.  Le traitement étudié doit être débuté dans les 24h après l'apparition du premier critère de sévérité. Les principaux critères d'exclusion étaient les pneumopathies grippales, tuberculoses, infections fongiques, herpétiques et hépatites virales actives, les chocs septiques, les patients immunodéprimés, les patients traités par corticothérapie au long cours et la limitation éthique sur l'intubation oro-trachéale (IOT).

Le groupe intervention reçoit de l'hydrocortisone 200mg/j IVSE 4 jours, suivi d'un protocole de décroissance progressive, toujours stoppé à la sortie du patient de réanimation. Le critère de jugement principal est la mortalité à J28. Les critères de jugement secondaires sont notamment la mortalité à J90, le recours à la ventilation mécanique et aux vasopresseurs à J28. Les critères de sécurité sont les infections secondaires, les saignements digestifs à J28, et la posologie d'insuline des 7 premiers jours. Le calcul d'effectif prévoyait l'inclusion de 1146 participants pour obtenir, avec un risque alpha de 4,9%, 80% de puissance de détecter une réduction de 25% de la mortalité à J28 (27% groupe placebo à 20,25% groupe hydrocortisone). En raison du COVID-19, les inclusions sont suspendues en 2020 à 800 patients et l'analyse intermédiaire confirme que l'étude peut être arrêtée.

 

Résultats

Sur les 5948 patients éligibles, 800 sont randomisés, 400 dans le groupe intervention et 395 dans le groupe placebo. Les patients sont âgés (67 ans en médiane), de sexe masculin (environ 70%), 45% d'entre eux sont ventilés à l'inclusion, plus de 40% reçoivent de l'OHD. Les pneumopathies aigües sont sévères au PSI mais le SAPS II (médiane 37 vs 38) ou le SOFA à 4 montrent une faible sévérité générale : 10 à 12% bénéficient d'un traitement vasopresseur justifié (choc septique exclus) par des cas d'hypotensions liées aux sédations et à la PEEP. Le traitement par hydrocortisone ou placebo est initié dans les 24h.

Au total à J28, 25/400 patients sont décédés dans le groupe hydrocortisone (6,2% IC 95%, 3.9-8.6) contre 47/395 dans le groupe contrôle (11.9%; IC 95%, 8.7-15.1), avec une différence absolue de mortalité de âˆ'5.6% (IC 95%, âˆ'9.6 à âˆ'1.7; p= 0.006). La mortalité à J90 montre un résultat robuste avec la mortalité à J28. Dans le groupe hydrocortisone : moins de patients non intubés à l'inclusion le sont secondairement ; moins de patients non ventilés à l'inclusion (VNI incluse) sont intubés secondairement ; moins de patients sans catécholamines à l'inclusion en reçoivent secondairement. Aucune différence de taux d'infections secondaires et de saignements digestifs n'a été montré, en revanche les patients du groupe intervention ont reçu significativement plus d'insuline par jour pendant les sept premiers jours avec une dose médiane de 35,5 UI/j (15 à 57,5) contre 20,5 UI/J (9,5 à 48,5).

 

Discussion

Des premières questions et remarques s'expriment sur la validité interne de l'étude.

 

Le diagnostic de pneumopathie n'a pas été l'objet d'une adjudication afin que l'étude reste pragmatique et ressemble à la vie réelle. De possibles pneumopathies virales ont pu être inclues même si la grippe était un facteur d'exclusion. L'auteur est prudent quant au traitement par corticoïdes d'une grippe surinfectée en raison d'études suggérant un effet potentiellement délétère sur ces pneumopathies. Il recommande donc de faire un test grippal avant de mettre en place les corticoïdes.

Une préoccupation est pointée sur les patients du groupe placebo qui ont développé un choc pouvant être assimilé à un choc septique et qui n'ont pas eu d'hydrocortisone. Ils auraient pu en effet être défavorisés accentuant la mortalité de ce groupe. L'auteur de l'étude précise que les chocs septiques étaient exclus de l'étude, qu'il n'est pas impossible que de rares chocs septiques de moindre gravité aient été inclus mais qu'il est peu probable que ce soit de nature à influencer le résultat global de l'étude. Les investigateurs étaient libres de prescrire de l'hydrocortisone en ouvert en cas de choc septique secondaire mais ceci a été exceptionnel.

Toujours concernant le sepsis, l'auteur précise que l'adaptation des antibiotiques au spectre bactérien était laissée à la discrétion du clinicien mais qu'il s'agissait de bactéries très sensibles vu les cas documentés et qu'il est donc probable que les ATB étaient efficaces, ce de façon équilibrée entre les groupes par la randomisation.

Le choix de l'hydrocortisone est également questionné : il est rappelé que la dose choisie correspond à 40 mg jour de méthylprednisolone et qu'il y a plus de croyances que de données scientifiques sur la non-pertinence de ce choix, la force d'action glucocorticoïde et minéralocorticoïde étant liée à la dose et plus importante que le choix de la molécule. Cependant à ce jour les deux seuls essais positifs sur la mortalité ont utilisé l'hydrocortisone.

L'effet sur le critère de jugement principal est robuste : il comporte des effets intermédiaires sur l'intubation des patients en VNI ou sur la mise en VNI des patients en oxygénothérapie à haut débit nasal. Par ailleurs l'effet du critère jugement principal est également robuste à J90. L'ensemble des présents s'accorde à dire que e résultat est donc solide.

 

La validité externe de l'étude est également discutée.

 

Un patient sur cinq a été inclus notamment en raison de l'exclusion des chocs septiques et il s'agit donc d'une population sélectionnée. Les effets obtenus dans cette étude sont plus importants que dans de nombreuses études réalisées auparavant et pourraient être liés à deux facteurs : d'une part la plus grande précocité du traitement (administration dans les 24 premières heures de la prise en charge) et d'autre part le sex-ratio avec une surreprésentation des femmes par rapport à des études antérieures (l'analyse de sous-groupe suggérant une efficacité particulière dans cette population, sans pouvoir l'affirmer par manque de puissance.

 

Au total l'ensemble des présents salue la qualité du travail et reconnait la nécessité d'importer ces résultats dans notre pratique quotidienne.