OCTOBRE 2021: PCR RAPIDES DANS L'INFECTION RESPIRATOIRE, C'EST PAS CA ENCORE !

Performance et impact d'une PCR syndromique multiplex pour le diagnostic des pneumopathies associées aux soins dans les services de soins intensifs

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Practical comparison of the BioFire® FilmArray® Pneumonia Panel to routine diagnostic methods and potential impact on antimicrobial stewardship in adult hospitalized patients with lower respiratory tract infections. Journal of Clinical Microbiology 2020 doi:10.1128/JCM.00135-20
Performance and impact of a multiplex PCR in ICU patients with ventilator-associated
pneumonia or ventilated hospital-acquired pneumonia. Critical Care (2020) 24:366
https://doi.org/10.1186/s13054-020-03067-2 

Introduction

Une antibiothérapie appropriée précoce réduit la morbi-mortalité des pneumopathies sévères en réanimation. L'absence d'identification majore la mortalité et empêche d'utiliser le spectre le plus étroit possible ce qui réduirait l'émergence de bactéries résistantes. Actuellement, l'analyse des prélèvements se fait au laboratoire avec un délai de résultat >48h. La PCR quantitative permettant l'identification de l'agent microbien et la détection de mécanisme de résistance est une technique intéressante du fait de sa rapidité et de sa fiabilité supposée. L'objectif des deux études analysées est d'évaluer et comparer les apports diagnostic et l'impact sur les modifications thérapeutiques apportés par deux techniques de PCR multiplex, utilisées dans les pneumopathies associées aux soins.

Méthodes 

Dans ces 2 études le gold standard était donné par la culture classique.

§  UNYVERO

Il s'agit d'une étude prospective, dans laquelle était pratiqué un LBA ou un PDP chez des patients suspects de PAVM avec une AT présentant un examen direct positif à BGN ou CGP. La PCR multiplexe du kit Unyvero est un système permettant de détecter la présence de 21 bactéries et 19 gènes de résistance avec un résultat <5h. Cette étude s'est déroulée dans 3 réanimations de l'hôpital Bichat à Paris. Un panel multidisciplinaire d'experts simulait ensuite les changements antibiotiques qu'ils auraient réalisés en cas de disponibilité du résultat de la PCR au moment de la prise en charge.

§  FILMARRAY

Il s'agit d'une étude prospective, réalisée dans 8 hôpitaux américains mais pas uniquement en réanimation. L'étude est réalisée à partir des  LBA de patients dont on ne connait pas les caractéristiques cliniques. La PCR multiplex respiratoire du kit Filmarray, dont le résultat est rendu en 1H20 permet de détecter 18 bactéries, 8 mécanismes de résistances, 8 virus.

Résultats 

§  UNYVERO

95 échantillons (85 patients) ont été analysés (72 LBA, 23 PDP). Le résultat de la PCR était obtenu en 4,6h. 90/112 bactéries ont été détectées par la PCR, soit une sensibilité globale de 80%. La spécificité était de 99%. La sensibilité était de 90% pour les bactéries à gram négatif vs 62% gram positif.

Concernant la détection des résistances, 5/8 BLSE et 4/4 carbapénémases ont été détectées.

La prescription guidée par la PCR aurait permis une antibiothérapie adaptée plus précoce dans 21% des cas et une désescalade précoce dans 39% des cas. Il y aurait cependant eu une antibiothérapie inappropriée. Parmi les 17 antibiothérapies par carbapénème, 10 aurait pu être desescaladées. A noter que 8 pneumopathies n'ont pas été documentées par la PCR car les bactéries n'étaient pas dans le kit (Hafnia alvei, Citrobacter koseri, Serratia rubidaea). La PCR a également permis le diagnostic de 2 légionelloses sévères non suspectées, confirmées par la culture.


§  FILMARRAY

259 échantillons ont été analysés (237 LBA/22 mini-LBA).  151 bactéries ont été détectées par PCR dont 73 négatives à la culture (36 ayant reçu une antibiothérapie préalable au test, 31 rendus flore commensale, 10 infra-seuil pour la culture et 6 sans explications) diminuant sa spécificité. Seules quelques bactéries ont été détectées par les cultures et non par la PCR (bactéries considérées comme infra-seuil pour la PCR). La PCR avait une VPP à 96% et VPN à 98%.

Concernant la recherche de résistance bactérienne, le test PCR à une sensibilité de 82 % (9/11) et une spécificité de 86 % (6/7) pour l'identification du SARM. Par contre, la concordance combinée pour la recherche de carbapénémase et de BLSE est de 20%.

La prescription guidée par PCR aurait permis d'adapter 70% des antibiothérapies dont 206 arrêts appropriés et une durée d'antibiothérapie réduite de 6,2 jours par patient (majoritairement les antibiotiques de type Tazocilline-Vancomycine). Une escalade adaptée plus rapide a été permise chez 11 patients.

Concernant les cibles virales, sur 259 échantillons testés, 53 cibles virales ont été détectées par la PCR (Rhinovirus++). Aucun faux positif n'a été retrouvé, trois résultats discordants. On ne pouvait évaluer la sensibilité et la spécificité du fait d'une absence de réalisation de test comparateur.

 Discussion 

Les présents jugent cette technique intéressante bien qu'encore très nouvelle et pas assez étudiée ou validée. Notamment ce qui est attendu avant de réellement se prononcer est une étude randomisée avec un bras où les cliniciens se serviraient de cette technique et un bras où ils procéderaient comme d'habitude avec un critère de jugement clinique approprié.

Dans une suspicion de PAVM, surtout si elle est sévère (SDRA ou choc septique), le clinicien a besoin d'une bonne sensibilité afin de ne pas passer à côté d'une bactérie responsable de l'infection. Les résultats de sensibilité de la méthode Unyvero ont à cet égard paru décevant (Se 80%). Le choix du panel de bactéries par les fabricants - trop étroit - est en cause. La pneumopathie a en effet un spectre microbiologique plus étendu que d'autres infections (exemple des méningites ou le filmarray est assez bien validé). Les faux positifs sont également un problème puisque la question est aussi de ne pas prescrire trop d'ATB : la PCR filmarray en a créé beaucoup (73/151) même si après discussion, il pourrait s'avérer que ce soit le gold standard cad la culture qui soit pris en défaut. Il semble néanmoins que certains patients pourraient bénéficier d'une escalade antibiotique initiale en attente de la culture devant la détection de certains germes, avec le souci majeur de la détection d'une réelle co-infection ou d'une colonisation seule.

Certains s'en serviraient, ce qui n'était pas le cas dans ces études, pour éliminer rapidement une surinfection bactérienne dans les infections virales comme l'infection à SARS COV 2. Et ainsi ne pas administrer d'antibiotique. Une bonne VPN est en effet décrite dans ces études (notamment le filmarray avec 98% de VPN)

Concernant les résistances il est noté que les BLSE sont moins détectées car le kit Unyvero ne détecte que le groupe CTX M-1 et non le groupe CTX M-9 qui représente 40% des E.coli BLSE des PAVM.  Là encore c'est améliorable.

Enfin, le rapport coût-bénéfice est discuté : le Filmarray coûte par exemple 126 euros. Il apparait qu'en 2021, alors que le délai d'obtention des cultures à partir du jour de prélèvement semble s'allonger (J4-J5), le temps économisé permettant de réduire les antibiothérapies larges et le gain en terme d'efficacité pour le patient - si le spectre de l'antibiothérapie peut rapidement être adapté - seraient largement en faveur de la technique. Cela reste à démonter dans des études pharmaco-économiques.

Présents

Drs Bui, Clouzeau, Sioniac, Acquier, Youssef, Godard, Prs Gruson et Boyer Médecine Intensive Réanimation GHP; Dr Mourrissoux Médecine Intensive Réanimation GHSA; Dr Griton Service Anesthésie Réanimation Spécialités Chirurgicales Obstétrique Pédiatrie GHP; Drs Ragot et Martin Réanimation CH Libourne; Drs Romen et collègues Réanimation CH Pau; Dr Sément et collègues Réanimation CH Mont de Marsan; Dr Berdaï Pharmacologie GHP.

 

Experts

Drs Bentz, Blosse et Pr Dubois Bactériologie GHP