OCT 2024 nE NOUS STRESSONS PAS POUR UN ULCERE

The New England Journal of Medicine, juin 2024

 Stress Ulcer Prophylaxis during Invasive Mechanical Ventilation

 DOI: 10.1056/NEJMoa2404245

Ce site utilise Matomo pour analyser votre navigation dans le respect du Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD).
Voulez-vous nous aider à améliorer le service offert en autorisant Matomo à collecter ces informations ? En savoir plus

  

Introduction

Les recommandations sur la prévention de l'ulcère de stress en réanimation ne sont pas formelles. La SRLF recommande en 2012 (de même que la Surviving Sepsis Campaign de 2021) de prendre en compte la présence d'une nutrition entérale et de facteurs de risque d'ulcère de stress (coagulopathie, insuffisance rénale, hépatopathie chronique) pour envisager une prophylaxie anti-ulcéreuse. Néanmoins, ces recommandations ont un faible niveau de preuve. En 2018, Krag et coll. suggèrent qu'une prophylaxie anti ulcéreuse permettrait de réduire les saignements cliniquement significatifs mais sans différence sur le nombre de patients ou de culots transfusés. L'étude REVISE a pour objectif principal de déterminer si le pantoprazole réduit le nombre d'hémorragies digestives significatives chez les patients intubés ventilés.

Méthodes

Etude multicentrique se déroulant dans 68 pays, contrôlée, randomisée en double aveugle comparant la prise de pantoprazole 40mg/j contre placebo pendant la durée de ventilation invasive. Tout patient majeur sous ventilation invasive était inclus à l'exception des patients ayant >72h de ventilation, ayant déjà nécessité un traitement anti-acide, sous double anti-agrégation plaquettaire ou sous anti-agrégation plaquettaire associée à une anticoagulation curative. Le critère de jugement principal était l'hémorragie digestive cliniquement pertinente définie par une hémorragie digestive remarquée cliniquement (méléna principalement ou sang SNG etc..) et un critère de sévérité (soit une instabilité hémodynamique, soit la nécessité de réaliser un acte thérapeutique, soit la nécessité de transfuser 2 CGR ou une baisse d'Hb de 2 points). Le critère de sécurité principale était la mortalité à 90 jours et secondaires les PAVM, les infections à clostridium difficile, l'instauration d'une épuration extra-rénale. Pour assurer une puissance de 85% permettant de détecter une différence de 1,5 % (risque estimé à 3% dans le groupe placebo), l'étude avait besoin d'inclure 4800 patients au minimum pour un risque alpha bilatéral à 5%.

Résultats

Sur les 4900 patients éligibles, 2453 ont reçu du pantoprazole et 2447 du placebo. Les patients sont majoritairement des hommes (63%) d'âge médian 58ans, admis pour des causes respiratoires (31%), neurologiques (22%) ou traumatiques (14%), graves (score APACHE II moyen à 24, 70% sous catécholamines, 6% sous épuration extra rénale). De façon équilibrée entre les groupes, 50% sont sous corticoïdes en réanimation, 92% sous nutrition entérale et 92% reçoivent soit une anticoagulation préventive ou curative soit un antiagrégant. Au total, le nombre d'hémorragies digestives cliniquement pertinentes est significativement plus important dans le groupe placebo (3.5%) par rapport au groupe pantoprazole (1.0%), HR 0.30 IC 95% 0.19 à 0.47, p<0,001). La mortalité à 90 jours n'est pas différente (HR 0.94 IC 95% 0.85 à 1.04), pas plus que le nombre de PAVM, de colite à clostridium difficile, d'épuration extra-rénale. Le nombre de culot globulaires rouge consommés n'est pas différent entre les deux groupes mais le nombre d'épisodes ayant nécessité au moins 1 et au moins 2 CGR est plus important dans le groupe placebo (1% vs 3.1%). Concernant les analyses en sous-groupe, les patients ayant un score APACHE II > 25 ont une tendance à bénéficier encore plus du pantoprazole.

Discussion 

La discussion s'oriente principalement sur le CJP celui-ci étant complexe à analyser. Nous arrivons à préciser que toutes les hémorragies n'ont pas été l'objet d'une endoscopie et que quand une endoscopie a été réalisée la source de l'hémorragie n'était pas identifiée dans 40% des cas. Cela ne choque pas nos collègues de réanimation digestive car des causes peuvent être retrouvées plus tard quand la première endoscopie est négative. Si le nombre d'épisodes ayant nécessité au moins 2CGR est plus important dans le groupe placebo, il reste rare (3.1%) et globalement le nombre de CGR transfusé est en médiane le même entre les deux groupes. Il est aussi remarqué que l'effet semble plus significatif entre 10 et 20 jours de traitement, mais il semble à tous les participants que c'est le cas des patients ventilés assez longtemps en réanimation qui sont en effet le plus candidat à cet évènement. Dans le même ordre d'idée, ce sont les plus graves qui semblent le plus en bénéficier. En réanimation digestive, les patients peuvent nécessiter une nutrition parentérale exclusive pour des raisons digestives et ceci constitue quand même un facteur de risque. Les corticoïdes n'ont pas montré dans les études avec vs sans corticoïdes un sur-risque d'évènement hémorragique mais nous ne savons pas si les patients recevaient ou non du pantoprazole systématique dans ces études.  

Conclusion 

Ainsi au total nous nous entendons pour dire que la présence de ventilation mécanique associée à un traitement anticoagulant et/ou une absence de nutrition entérale et/ou une corticothérapie devait indiquer un traitement préventif par pantoprazole, à arrêter dès que possible.


  
  • Posté le 15/10/2024 à 12:20 par Hugues DE COURSON
    Bonjour, merci pour ce travail de synthèse ! 
    Il y a aussi ces recommandations : Gastrointestinal bleeding prophylaxis for critically ill patients: a clinical practice guideline | The BMJ
    Ces dernières sont très pragmatiques !

    La question de la corticothérapie est loin d'être consensuelle et la littérature semble plutôt en défaveur (dans notre unité nous mettons en place une prophylaxie qu'en cas de très forte dose définie par > 2mg/kg/jour). 

    Amicalement