OCT 2022:La VNI de l'insuffisance respiratoire aigüe de l'immunodéprimé cherche son second souffle…
The Lancet Respiratory Medicine · March 2022
DOI: 10.1016/S2213-2600(22)00096-0
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Introduction
La VNI est recommandée chez les patients immunodéprimés en insuffisance respiratoire aiguë admis en soins critiques, mais pourrait avoir des effets délétères chez les patients les plus graves. L'oxygène à haut débit nasal (OHDN) seul pourrait être une méthode alternative pour réduire la mortalité. Cette étude vise à déterminer si l'OHDN seul peut réduire le taux de mortalité à 28 jours par rapport à l'OHDN en alternance avec la VNI chez les patients immunodéprimés admis en soins critiques pour insuffisance respiratoire aiguë.
Méthodes
L'étude est menée de Janvier 2017 à Mars 2019, il s'agit d'un essai clinique multicentrique, ouvert, randomisé, mené dans 29 USI (28 en France et une en Italie). Sont inclus les patients adultes immunodéprimés présentant une insuffisance respiratoire aiguë, assignés au hasard (1: 1) au groupe OHDN seul ou au groupe VNI en alternance avec OHDN (groupe VNI). Les principaux critères d'exclusion sont une hypercapnie sévère > 50 mm Hg, les patients pouvant fortement bénéficier de la VNI (c'est-à-dire ceux atteints d'une maladie pulmonaire chronique sous-jacente, d'un œdème pulmonaire cardiogénique ou en période postopératoire), ainsi que les contre-indications habituelles à la VNI. La randomisation est effectuée à l'aide d'un système centralisé et est stratifiée selon le centre et le type d'immunosuppression. Dans le groupe OHDN seul, les patients sont traités en continu avec un débit de gaz de 60 L/min ou le plus élevé toléré. Dans le groupe VNI, les patients sont traités par VNI avec une première séance d'au moins 4 h, puis par intermittence pour une durée totale minimale de 12 h par jour, ciblant un volume courant inférieur à 8 mL/kg de poids corporel idéal, et un niveau de pression expiratoire positive (PEP) d'au moins 8 cm H2O. Le critère de jugement principal était la mortalité à J28. Pour montrer une différence de mortalité de 35% groupe VNI à 20% groupe OHDN avec une puissance de 80% et un risque alpha à 5%, 280 patients étaient nécessaires, arrondis à 300 pour tenir compte d'éventuels perdus de vue.
Résultats
Sur 497 patients éligibles, 299 patients ont été inclus dans l'analyse en intention de traiter (154 affectés au groupe OHDN seul et 145 affectés au groupe VNI). Aucune différence notable n'a été constatée entre les deux groupes, qui comprenaient environ 50% de pathologies hématologiques et un quart de tumeurs solides. Les patients avaient une fréquence respiratoire à plus de 30/mn et un rapport PF à environ 150 en moyenne. Le taux de mortalité à 28 jours était de 36 % dans le groupe OHDN seul et 35% dans le groupe VNI (différence absolue 1·2% [IC à 95 % -9·6 à 11·9] ; p=0·83). Aucun critère de jugement secondaire ne montrait de différence en dehors d'un rapport PF à 1h du début de traitement plus élevé dans le groupe VNI (199 vs 143, p<0.001) et d'un plus grand inconfort dans le groupe VNI. L'analyse en sous-groupe de gravité respiratoire ou de type d'immunodépression ne montrait pas plus de différence.
Discussion
Au cours de la discussion, la bonne validité interne de l'étude a été saluée par l'ensemble des participants. Les rares critiques se sont orientées autour du flow chart qui ne présente pas de screening permettant de voir combien de patients ont réellement été éligibles à l'étude dans les différents services participants. Des LBA ont été réalisés chez 50 % des patients dans chaque groupe, dans un contexte où la fibroscopie n'est pas toujours bien tolérée (93% groupe VNI et 79% groupe OHDN ont eu un LBA réalisé en réanimation). On ne connaissait pas le nombre de patients dont le traitement antimicrobien était adapté ce qui aurait pu jouer un rôle sur le critère de jugement principal. L'étude ne montre pas de différence sur le critère de jugement principal mais une critique est portée pour le calcul d'effectif sur le choix de 15 % de mortalité du groupe OHDN basé sur deux études de patients non immunodéprimés (Frat Lancet Resp Med 2016 et Coudroy AIC 2016). Le calcul d'effectif et la puissance de l'étude ont été perturbés même si l'absence de tendance dans les résultats ne permet pas de penser qu'il s'agit d'un manque de puissance. Parmi les critères secondaires on constate une meilleure oxygénation sous VNI mais moins d'inconfort sous OHDN, une tendance à une FR plus basse dans le groupe OHDN, et un délai de 9 heures supplémentaire du timing d'intubation dans le groupe VNI mais sans différence significative. Dans le groupe VNI en raison de gros volume courant, le niveau d'aide inspiratoire était de 7 en moyenne, ce qui a semblé élevé pour les participants à la lecture, avec un niveau de PEP à 7. Enfin il est à noter que la VNI dans les 24 premières heures (en dehors des patients intubés pendant ce laps de temps) s'étendait à 50% du temps. Le temps passé auprès du patient pour s'assurer que la VNI était bien réglée n'est pas connu. Une discrète baisse du taux d'intubation (-5%) dans le groupe VNI était constatée bien que non significative mais il est à signaler que ce groupe comportait plus de décision éthique de non intubation.
Les participants ont alors discuté de l'intégration de ces données dans leur
pratique quotidienne. D'abord, tous les participants s'accordent pour dire
qu'être intubé en 2022 n'est probablement pas aussi délétère pour les patients
qu'au début des années 2000 en raison des progrès de la réanimation et que cela
peut être une raison de l'absence de différence des deux groupes sur la
mortalité. Nous avons ensemble conclu que la VNI n'avait pas permis d'améliorer
la mortalité des patients par rapport à l'OHDN. Elle ne peut donc plus être considérée
comme systématique dans cette indication. Par contre, cette étude de par son
design ne permettant pas d'affirmer la non-infériorité de l'OHDN sur la VNI,
celle-ci peut donc toujours être considérée. La VNI n'a pas été délétère et
notamment aucune association entre le niveau de volume courant et la nécessité
de recourir à une intubation ultérieure n'a pu être mise en évidence ce qui
n'est pas en faveur du caractère délétère de la VNI sur le parenchyme
pulmonaire pathologique (psili).
Présents
Pr Coudroy (MIR CHU Poitiers), Dr Berdaï (Pharmacologie, CHU Bordeaux), Drs Champion, Bui, Sazio, Guillotin, Orieux, Pillet, Sioniac, Roure et Prs Boyer, Gruson (MIR GH Pellegrin, CHU Bordeaux), Dr Camou (MIR GH Saint André), Pr Rozé (Réanimation thoracique, GH Sud), médecins du service de surveillance continue du CH de Langon, Dr Saghi (Réanimation, Clinique Bordeaux Nord)