Nov 2017: Manoeuvres de recrutement dans le SDRA

A force de gonfler...

Effect of Lung Recruitment and Titrated Positive End-Expiratory Pressure (PEEP) vs Low PEEP on Mortality in Patients With Acute Respiratory Distress Syndrome: A Randomized Clinical Trial.

JAMA. 2017 Oct 10;318(14):1335-1345. doi:10.1001/jama.2017.14171

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Introduction

L'impact des manœuvres de recrutements (MR) sur la mortalité du SDRA n'est pas établi, bien que ses effets sur la compliance pulmonaire et l'oxygénation semblent intéressants. L'objectif de cette étude était de comparer une prise en charge standard à une stratégie de recrutement pulmonaire incluant des manœuvres de recrutement et une titration de la PEP chez des patients en SDRA.


Matériels et méthode 

Etude internationale multicentrique contrôlée randomisée. Les patients inclus présentaient un SDRA modéré à sévère. Après une phase de stabilisation pendant laquelle ils recevaient les réglages optimaux guidés par le protocole ARDS network, les patients présentant un rapport P:F <200 étaient randomisés avec une stratification par site, âge et sévérité (P:F ≤100 vs >100). Le groupe contrôle était ventilé avec un Vt à 6 mL/kg et une PEP titrée en fonction de la FiO2 (selon les standards de l'ARDS network). Dans le groupe interventionnel,  les patients recevaient deux MR successives comportant une augmentation progressive des pressions de plateau jusqu'à 60 cmH2O puis une manœuvre de titration décroissante de la PEP afin d'obtenir la meilleure compliance thoraco-pulmonaire. Après 3 arrêts cardio-respiratoires dans le groupe intervention, le protocole de recrutement a été modifié, avec une diminution de la durée et des pressions appliquées lors des MR (P° de plateau à 50 cmH2O). Le critère de jugement principal était la mortalité durant les 28 premiers jours.

Résultats 

1010 patients ont été randomisés, 509 dans le groupe contrôle et 501 dans le groupe intervention. A noter que 296 patients ont été rendus inéligibles après la phase de stabilisation, leur rapport P:F étant devenu > 200.  Il n'y avait aucune différence à baseline et pour deux tiers des patients, les SDRA étaient pulmonaires et un choc septique était présent. L'utilisation des curares était plus importante dans le groupe interventionnel. A J28, 55.3% des patients du groupe intervention étaient décédés contre 49.3% dans le groupe contrôle (HR 1.20, IC95% [1.01 ; 1.42], p = 0.041). Par rapport au groupe contrôle, l'intervention augmente la mortalité à 6 mois (65.3 vs 59.9%, HR 1.18 IC95% [1.01 ;1.38], p = 0.04), diminue le nombre de jours sans ventilation à J28 ( 5.3 vs 6.4, différence -1.1, IC95% [-2.1 ;-0.1], p = 0.03), augmente le risque de pneumothorax (3.2% vs 1.2%, différence 2.0%, IC95% [0.0 ; 4.0], p = 0.03) et de barotraumatisme (5.6 vs 1.6%, différence 4.0% ; IC95% [1.5 ;6.5] ; p = 0.001), le niveau de catécholamines dans l'heure qui suit les MR (174/500 vs 144/508, différence 6.5 (0.5-12.4), p=0.03).  

Discussion 

Cette étude amène  à discuter différents éléments.

Le protocole du groupe interventionnel évalue 2 modifications thérapeutiques concomitantes, à savoir l'association de MR et la titration de la PEP, ce qui rend plus difficile l'interprétation de l'effet de l'une ou de l'autre des interventions. Outre des MR assez agressives (pressions à 65 cmH2O), les niveaux de PEP dans le groupe intervention étaient aussi plus élevés (16 versus 13 groupe contrôle). Il est probable que l'excès de mortalité soit en grande partie relié au barotraumatisme survenu au décours des MR sans pouvoir dire si il s'agit de  de l'effet propre de la manœuvre de recrutement vs celui de la titration individualisée de la PEP. Pour rappel, le protocole d'étude a été allégé après la survenue de 3 arrêts cardiorespiratoires au décours des MR. En outre, le nombre de décès avec barotraumatisme a été augmenté significativement dans le groupe interventionnel (7/501 vs 0/509, différence 1.4 (0.2 à 2.6), p=0.007). Un effet hémodynamique délétère de cette stratégie de haute pression n'est pas écarté.

En outre, dans le groupe interventionnel, le nombre de fois ou les patients ont une Pplateau > 30 est significativement plus élevée que dans le groupe contrôle à J1 et J3. Or, on sait qu'une contraction des muscles inspiratoires déclenchée par le ventilateur peut survenir. Ce phénomène sous estime la pression de plateau puisque le patient crée une dépression pendant le cycle machine et peut même entrainer un double déclenchement (et donc un double volume courant) en mode ventilation assistée contrôlée. Des volumes courants à 12 ml.kg-1 de poids prédit ont été enregistrés pendant l'étude et pourraient être responsable des barotraumatismes. La diminution de la mortalité avec les curares dans le SDRA de l'étude de Papazian pourrait être revisitée par cette explication physiologique, les curares éliminant ce déclenchement patient appelé "reverse trigering". 

En ce qui concerne la validité externe de l'étude, on peut noter que la mortalité de ces SDRA est très élevée. Il est probable que cette étude a sélectionné les vrais SDRA sévères ou modérés en ayant procédé à une phase de stabilisation de 3h pendant lesquels les patients étaient optimisés par une ventilation suivant les guidelines de l'ARDS network. Ce sont quelques 300 patients, moins graves, qui, de fait, en ont été exclus. Mais le niveau de soin du Brésil est également globalement inférieur.

Conclusion

Après trois études ayant échoué à montrer un bénéfice du haut niveau de PEP dans le SDRA, cette étude montre que chercher le recrutement maximal dans le SDRA n'est pas anodin et ne doit pas être appliqué systématiquement aux patients. Les effets secondaires liés aux MR rendent même leur utilisation dangereuse. 


Présents

Dr Labadie (Réanimation Hôpital Robert Picqué), Pr Hilbert, Vargas, Gruson, Boyer, Dr Sazio, Clouzeau, Bui, Laterrade, Guesdon, Cayrol, Perfetti (Médecine Intensive Réanimation GH Pellegrin)

Experts

Dr Rozé (Réanimation GH Sud Magellan)

Novembre  2017