Mai 2017:candida en réanimation, fin du premier acte

Empirical Micafungin Treatment and Survival Without Invasive Fungal Infection in Adults With ICU-Acquired Sepsis, Candida Colonization, and Multiple Organ Failure
The EMPIRICUS Randomized Clinical Trial
JAMA 2016;316(15):1555-1564.

https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/27706483

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Introduction

L'incidence des candidoses invasives n'est pas négligeable en réanimation et la mortalité, corrélée au retard d'introduction du traitement, est majeure (30-50%). L'objectif était  d'évaluer l'intérêt d'un traitement antifongique empirique chez des patients à risque de candidose invasive.

 

Méthodes

étude multicentrique française, randomisée, contrôlée, en double aveugle comparant un traitement empirique par MICAFUNGINE 100mg pendant 14 jours par rapport à un placebo. Les patients inclus avaient développé un sepsis persistant malgré une antibiothérapie large spectre lors de leur séjour en réanimation, présenté une défaillance multi-viscérale (ventilation mécanique et une autre défaillance) et étaient colonisés à Candida spp. Le critère de jugement principal composite était défini par la survie sans infection fongique invasive à 28 jours. Le calcul d'effectif a été basé sur une réduction de 55% à 37% de la survenue du CJP avec une puissance de 80% et un risque alpha à 5%.  

 

Résultats

L'analyse en intention de traitée modifiée (patients n'ayant reçu aucune dose du traitement randomisé non pris en compte) portait sur 251 patients dont 123 dans le groupe placebo et 128 dans le groupe MICAFUNGINE. Les patients inclus représentaient une population de patients de réanimation médicale (74%), grave (SOFA médian à 8) et multi-colonisés à Candida (3 sites en moyenne). Aucune différence significative n'a été mise en évidence sur le critère de jugement principal (60% dans le groupe placebo, 68% dans le groupe MICAFUNGINE, HR 1.35 ; IC 95 [0.87-2.08]). La survie à 28 jours était strictement identique (70% dans les deux groupes, HR 1.04 ; IC 95% [0.64-1.67]. Le nombre de nouvelles infections fungiques était supérieur dans le groupe placebo par rapport au groupe MICAFUNGINE (12% versus 3%, différence absolue 9,1% ; IC 95% [2,5-16,3]).

Discussion

Le résultat de l'étude est enregistré par les experts et la salle. L'attitude d'ajouter un antifongique large en traitement empirique chez des patients en sepsis (nouvelle définition regroupant choc septique et sepsis sévère) persistant n'est pas efficace. Nous rappelons que le coût annuel des traitements antifongiques pour le CHU de Bordeaux est de 5,8 millions €, soit 5,3 % de la consommation de tous les médicaments.

Plusieurs remarques sont néanmoins faites par l'auditoire :

1) Les patients de l'étude sont-ils aussi graves que ceux chez qui nous nous posons réellement la question ? Ils sont seulement pour 30% en choc septique, à J10, ce qui parait précoce et ce sont des patients très médicaux. Les conclusions ne peuvent être étendues aux patients de chirurgie abdominale. Néanmoins, l'un des experts cite un travail non publié par la firme ASTELLAS ne montrant pas d'effet d'un traitement préemptif dans cette sous population http://www.clinicaltrials.jp/user/display/file/9463-EC-0002%20synopsis.pdf?fileId=983.2) L'évènement du CJP est resté rare par rapport à ce qui avait été anticipé dans le calcul d'effectif mais la différence entre les deux groupes seraient restée faible et non pertinente quelque que soit le degré de significativité statistique.

3) Cette étude renforce nos doutes sur plusieurs points, même si nous devons rester prudents et ne pas extrapoler trop loin les résultats de l'étude. D'une part sur la gravité réelle de l'infection fongique invasive : si le nombre d'IFI est diminué cela n'a en effet pas impacté la mortalité. D'autre part sur les tests diagnostiques : ce papier confirme la faible spécificité des scores de prédiction clinique comme le Candida score et la nécessité d'adapter les seuils de positivité des biomarqueurs sériques comme le BD-glucane à la population étudiée. Cela ne permet pas de trancher sur la valeur des tests qui reste selon les experts la VPN soit un test dont la négativité permettrait d'arrêter les traitements mis en route en empirique si la situation du patient a été jugée assez précaire pour mettre en route un traitement empirique.

La modification des guidelines devrait suivre :

L'IDSA 2016 disait Empiric antifungal therapy should be considered in critically ill patients with risk factors for invasive candidiasis and no other known cause of fever and should be based on clinical assessment of risk factors, surrogate markers for invasive candidiasis, and/or culture data from nonsterile sites”: cela a été contredit par empiricus. 


L'ECCMID 2012 disait: “ICU patients persistently febrile, but without microbiological evidence: To reduce overall mortality : Fluconazole or echinocandin: yes with grade C” : cela a été contredit par empiricus.

Conclusion

L'étude Empiricus a montré l'absence d'efficacité d'un traitement empirique antifongique chez les patients ayant un sepsis grave persistant malgré une antibiothérapie bien conduite et certains guidelines récents devraient s'en trouver modifiés

presents

Pr Gruson , Pr Boyer , Dr Pillet, Dr Bui , Dr Clouzeau , Dr De Guillebon , Dr Champion , Dr Laterrade (Médecine Intensive Réanimation, GH Pellegrin), Dr Dewitte (Réanimation GH Sud Magellan),  Dr Berdaï (Pharmacologie, GH Pellegrin)

Experts

Pr Cazanave (Maladies Infectieuses et Tropicales, GH Pellegrin) et Dr Accoceberry (Mycologie, GH Pellegrin)