Juin 2016 (2): le timing de la dialyse en réanimation
S'il suffisait d'un chiffre.
Initiation Strategies for Renal-Replacement Therapy in the IntensiveCare Unit.
Gaudry S AKIKI Study Group N Engl J Med.
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Drs
Introduction
L'insuffisance
rénale aigue (IRA) en réanimation est associée à une augmentation de la
morbi-mortalité. Quand débuter l'épuration extra rénale (EER) en réanimation
reste une question ouverte à ce jour. L'objectif de cette étude était d'évaluer
l'impact sur la mortalité à J60 d'une initiation précoce ou tardive de l'EER.
Méthodes
Essai randomisé
contrôlé multicentrique.
La population éligible était composée des
patients sous ventilation mécanique et/ou sous noradrénaline avec comme critère
d'inclusion la survenue d'une IRA stade KDIGO 3 (créatinine x3 ou >
354µmol/l , diurèse < 0,3ml/kg pendant > 24h ou anurie > 12h ).
Les critères
d'exclusion étaient les critères métaboliques classiques d'urgence à la mise en
place d'une EER immédiate, les patients cirrhotiques, les patients insuffisants
rénaux chroniques ou transplantés, les arrêts cardiaques et des causes d'IRA
non "nécrose tubulaire" a
priori (obstacle, MAT etc)
La stratégie précoce nécessitait la mise en
place de l'EER dans les 6h après la constatation du stade KDIGO 3 alors que la
stratégie tardive consistait à attendre la survenue des mêmes critères d'urgence
métabolique que les critères d'exclusion initiaux ou d'une anurie/oligurie >
72h pour l'initiation de la technique.
Le choix de la
technique d'EER était laissé à la discrétion des cliniciens.
Le critère de
jugement principal était la mortalité à J60.
L'analyse a été
réalisée en intention de traiter. 546 patients étaient nécessaires pour mettre
en évidence une diminution de mortalité de 45% à 30% grâce à une stratégie
tardive (α =5% et 1-β =90%)
Résultats
620 patients
ont été inclus, 308 dans le groupe tardif, 312 dans le groupe précoce. Aucune
différence basale notable. Il n'existe pas de différence de mortalité à J60
entre les 2 groupes (48.5 % [42.6-53.8] vs 49.7% [43.8-55.0]). 49% des patients
du groupe tardif n'ont finalement pas été épurés. Les causes d'initiation de
l'EER dans le groupe tardif étaient : atteinte du taux d'urée fixée (1/3),
> 72h d'oligurie (1/3), acidose métabolique (1/4). Il n'existe pas de
différence de récupération de la fonction rénale entre les 2 groupes malgré une
reprise de diurèse plus précoce dans le groupe tardif. Il y' avait plus
d'infection de KT dans le groupe précoce (10% vs 5%, p=0.03).
Discussion
Les experts discutent du choix des critères d'inclusion qui, selon
eux, peuvent diminuer l'extrapolabilité des données :
- la classification KDIGO (créatinine et diurèse seulement) est assez
éloignée des critères de choix quotidiens qui se basent plus sur un faisceau
d'arguments
- la probable hétérogénéité des patients inclus avec 2/3 septiques
et 1/3 autre
- l'inclusion d'IRA encore fonctionnelle alors même que nous n'avons
pas d'information précise sur l'optimisation volémique des patients
L'hétérogénéité de mortalité dans le groupe EER tardif (35%
EER tardif jamais dialysé et 65% EER tardif finalement dialysé) amène à se
demander si cette même hétérogénéité existait dans le groupe EER précoce, avec des
patients graves qui avaient 65% de mortalité et des patients moins grave
dialysés "trop précocement".
Pour l'ensemble des experts présents, la pratique d'EER dite
"précoce" était réellement trop précoce pour certains patients et le
tardif potentiellement trop tardif chez un certain nombre de malades. En quelque sorte, la
constitution artificielle des 2 groupes de cette étude a entrainé une caricature
de la pratique quotidienne en dialysant trop précocement certains patients et
trop tardivement d'autres.
Pour d'autres médecins présents, l'EER très précoce est une
pratique réelle que cette étude a l'avantage de prendre en compte alors que cette
stratégie est abandonnée par les services avec un intérêt pour l'EER dans l'IRA.
Cette étude valide l'abandon de cette pratique. Il existait un consensus
parmi les intervenants pour penser qu'il fallait savoir se laisser du temps,
optimiser le remplissage et l'hémodynamique avant de débuter une séance afin de
ne pas dialyser des IRA qui peuvent encore récupérer.
Conclusion
Il n'y pas de
différence de mortalité entre les 2 stratégies d'EER dans ce travail. Celui-ci
souligne que l'EER
ne peut pas être indiquée que sur un chiffre de créatinine isolé - l'optimisation
volémique est indispensable avant d'envisager une EER - chez
des patients de réanimation au stade KDIGO3, cette étude valide l'abandon d'une EER trop précoce
Experts
Drs Joannes-Boyau, Dewitte Réanimation GH Sud Magellan), Pr Combe et Dr Rubin (Néphrologie, GH Pellegrin)
PRésents
Pr Gruson D, Boyer A, Vargas F, Drs Clouzeau B, Bui N, Sazio C,
Romen A, Champion S, Martin A (Médecine Intensive Réanimation GH Pellegrin), Dr
Berdaï (Pharmacologie, GH Pellegrin), Dr
Moisan (Déchoquage GH Pellegrin)