Juil 2016: nouvelle étude sur le timing de la dialyse
Timing de la dialyse en réanimation : un débat outre rein !
Effect of Early vs Delayed Initiation of Renal Replacement Therapy on Mortality in Critically Ill Patients With Acute Kidney Injury: The ELAIN Randomized Clinical TrialZarbock A JAMA. 2016 May 24-31;315(20):2190-9.
http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed?term=Zarbock%20A%20JAMA.%202016%20May%2024-31%3B315(20)%3A2190-9.
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Introduction
Le timing en réanimation de l'initiation de l'épuration
extra rénale (EER) dans l'insuffisance rénale aigue (IRA) sévère en l'absence
d'urgence métabolique immédiate est une thématique d'actualité.
Méthodes
Essai randomisé contrôlé mono-centrique dans un service de
réanimation chirurgicale. Les critères d'inclusions étaient la survenue d'une
insuffisance rénale aigue KDIGO 2 (créatinine x2 et diurèse < 0,5ml/k/h
pendant > 12h) et NGAL > 150 ng/ml. L'EER précoce devait être instituée dans
les 8h qui suivaient la survenue d'une IRA KDIGO 2. L'EER tardive devait être
instituée dans les 12h suivant la survenue du stade KDIGO 3 d'IRA ou si urgence
métabolique.
Le critère de jugement principal était la mortalité à J90. L'analyse
a été réalisée en intention de traiter. 115 patients par groupe étaient
nécessaires pour mettre en évidence une diminution de mortalité de 55% à 37% (α=5%
et 1-β =80%).
Résultats
231 patients ont été inclus. Il s'agissait de patients
sévères (Apache 2 moyen à 30), de réanimation chirurgicale dont environ la
moitié de chirurgie cardiaque.
Parmi eux, 100% des patients du groupe précoce et 91% du
groupe tardif ont été épurés. L'EER était instituée dans les 6h [4-7] dans le
groupe précoce et dans les 25h [18,8 - 40,3] dans le groupe tardif. La
mortalité était plus faible dans le groupe EER précoce que tardive (39,3% vs
54,5%), p=0.03. La récupération rénale avait tendance à être plus importante
dans le groupe précoce (53% versus 38%), p=0.07 et la durée de l'EER était
également plus courte dans le groupe précoce (- 18 jours), p=0.04.
Discussion
Concernant l'intervention, les
stratégies se sont avérées peu différentes puisque la grande majorité des patients
ont finalement été dialysés (sauf 11/119 dans le groupe tardif) et que la seule
différence restait le délai d'EER qui est de 19h plus court dans le groupe
précoce. Nous sommes surpris que cette petite différence de prise en charge
puisse aboutir à -18j d'EER, -15% de mortalité, -15% de récupération rénale.
Plusieurs hypothèses sont évoquées parmi
les membres présents
·
vrai effet de l'EER précoce ? Une
explication pourrait venir de la population majoritairement post chirurgie
cardiaque : en effet, ces patients ont une balance hydrosodée de + 6l
après le bloc dans chaque groupe. Une EER précoce pourrait alors éviter la
surcharge... aucune information ne nous est donnée sur les paramètres d'EER
(notamment les UF). Par ailleurs, une épuration plus précoce des marqueurs
biologiques inflammatoires et rénaux rapportée par les auteurs n'a jamais fait
la preuve de son impact sur la mortalité.
·
effet dû à une différence de gravité
entre patients à baseline en défaveur du groupe EER tardive ? Notamment
quelle est la durée de CEC dans chaque groupe quand on connait son
retentissement clinique ?
·
validité des données discutables ?
Par exemple, l'absence de critères définis de fin d'EER alors que le nombre de
jours sans EER faisait partie des critères de jugement principaux est d'autant
plus gênante du fait du caractère non aveugle, monocentrique.
·
effet dû au hasard ? La faiblesse
statistique du p du log rank (p=0.04) peut le faire craindre.
Conclusion
On ne peut opposer les résultats récents de l'étude AKIKI
montrant une absence de bénéfice d'une stratégie précoce d'EER avec les
résultats contradictoires amenés par la présente étude. En effet, outre son
caractère monocentrique, cette étude s'intéresse à des patients en post
opératoires à grande majorité de chirurgie cardiaque dont l'effet spécifique de
l'EER sur la volémie est capital.
Néanmoins, cette étude montre, à la suite de AKIKI, qu'un
chiffre de créatinine, d'urée ou la diurèse ne sont pas suffisant pour décider
d'initier une EER en réanimation. Le contexte, le terrain et la gravité des malades sont également des éléments à prendre en
compte dans cette décision. Ainsi, si ces deux études démontrent globalement
que l'épuration précoce de tous les malades n'est pas recommandée et que l'on
peut raisonnablement se donner du temps avant d'initier une EER, chacune de ces
études a aussi rappelé des critères de gravité généraux et de l'insuffisance
rénale aigue à ne pas dépasser pour initier alors rapidement une EER.
Expert
Dr Joannes-Boyau (Reanimation GH Sud Magellan)
Présents
Pr Gruson, Pr Boyer, Dr Bui, Dr Clouzeau, Dr Sazio, Dr
Romen, Dr Champion, Dr Martin (Médecine Intensive Réanimation GH Pellegrin), Dr Berdaï
(Pharmacologie, GH Pellegrin)