Janvier 2018: la durée des antibiotiques en cas de neutropénie fébrile

Stop il est apyrétique !

Optimisation of empirical antimicrobial therapy in patients with
haematological malignancies and febrile neutropenia (How Long study) : an open-label, randomised, controlled, phase 4 trial. Lancet Haematol
2017;4: e573-583

lien article décembre 2017 : http://dx.doi.org/10.1016/S2352-3026(17)30211-9
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Introduction 

La durée d'ATB chez le patient neutropénique fébrile sans documentation bactériologique n'est pas bien codifiée. L'attitude recommandée jusque-là est le maintien de l'antibiothérapie probabiliste jusqu'à sortie de neutropénie. L'objectif de l'étude est de comparer une stratégie d'ATB courte, c'est-à-dire stoppée dès contrôle de la fièvre, à la stratégie habituelle.


Méthodes

Essai contrôlé ouvert, prospectif, multicentrique, randomisé, mené entre 2012 et 2016 en Espagne. Inclusion des patients hospitalisés en hématologie, présentant une hémopathie maligne et une neutropénie fébrile prévisible >7j, sans  documentation microbiologique et sans ATB commencé avant la fièvre. Randomisation en deux bras : arrêt de l'antibiothérapie lors de la normalisation de l'ensemble des paramètres cliniques (bras expérimental) ou arrêt de l'antibiothérapie lors de la normalisation des polynucléaires neutrophiles (bras contrôle). Le critère de jugement principal est le nombre de jours sans ATB dans les 28 premiers jours.Les critères de jugement secondaires sont : mortalité toutes causes confondues, nombre de jours total de fièvre.L'analyse a été menée en intention de traiter. L'effectif nécessaire pour montrer la supériorité du bras expérimental (hypothèse durée sans ATB 18j vs 12j bras contrôle) avec une puissance de 90%, au risque alpha de 5% et en tenant compte de 10% de perdus de vue, était de 156 patients.


Résultats

78 patients ont été inclus dans le groupe expérimental, 79 dans le groupe contrôle. Il y' avait 45% de LA et 17% d'allogreffés. Près de la moitié des fièvres étaient d'origine cliniquement  indéterminée. Comme attendu, le taux de patients neutropénique le jour de l'arrêt des ATB était encore de 53% dans le groupe expérimental vs seulement 10% dans l'autre groupe, mais la durée totale de neutropénie était de 14j vs 11j.

Le critère de jugement principal était de 16.1j vs 13.6j sans ATB dans le groupe expérimental vs contrôle (-2.4 (IC95% -4.6 à -0.3), p = 0.026).

Il n'y avait pas de différence significative de mortalité ou le nombre total de jours de fièvre (5.7 vs 6.3j, 0.5 (IC95% -1.2 à 2.3), p=0.53). 636 effets secondaires modérés ont été rapportés, un peu moins dans le groupe expérimental que dans le groupe  contrôle (295 vs 341; p=0·057).


Discussion

Un point concernant la validité interne de l'étude a été discuté.

Le choix du CJP est étroitement lié à l'intervention. La diminution de la durée d'ATB dans le groupe expérimental n'est donc pas une surprise. En revanche, il s'agit d'être sûr que les critères de jugement secondaires (CJS), pertinents cliniquement (mortalité, infections récurrentes) ne soient pas différents entre les groupes. Autrement dit que stopper les ATB plus tôt ne conduise pas à plus de réinfection et plus de mortalité. Il y'a là deux problèmes potentiels. D'une part, l'hypothèse de supériorité choisie par les auteurs a conduit à un faible effectif (n=78 par groupe). Il pourrait donc y avoir un manque de puissance pour s'assurer de la non-infériorité de l'intervention sur les CJS. D'autre part, dans cette hypothèse, l'analyse en ITT n'est pas la plus sûre car elle conduit à analyser des groupes de patients dont la différence est moindre (par non suivi strict de l'arrêt des ATB dans le groupe expérimental, la durée d'ATB sera moins différente en ITT -2.4j (-4.6 à -0.3) qu'en PP-3.8j (-6.1 à -1.6)). L'analyse en PP en amenant les groupes à une différence plus marquée de la durée d'ATB permet de mieux détecter les différences éventuelles sur les CJS.  Nous sommes néanmoins rassurés par l'absence de la moindre différence sur les CJS (expérimental vs contrôle : récurrence d'infection 14 vs 18% p=0.44 en ITT; mortalité 0 vs 3% p=0.49 en PP) et par la robustesse de tous les résultats quelle que soit l'analyse (ITT ; ITT modifiée ;PP).

Plusieurs points concernant la validité externe ont été également soulevés.

Concernant le type d'antibiothérapies, les experts sont surpris par les doses d'ATB utilisées dans cette étude plus faibles que dans leur pratique où ils tiennent compte des de l'augmentation du Vd des patients neutropéniques. Aucune donnée permettant de juger des objectifs PK-PD, cruciaux dans cette population, ne nous est fournie (au moins la DDJ des ATB). Quid des bithérapies vs monothérapies dans chaque groupe ? Quid des traitements antifungiques ?

Concernant les patients, il n'est pas très logique de mettre ensemble les LA, les autogreffés et les allogreffés. La durée d'aplasie n'est en effet pas la même et une analyse de sous-groupe aurait donc été la bienvenue. Aucun patient de réanimation en sepsis grave n'est inclus dans cette étude. Les experts regrettent également que les patients avec infection documentée en aient été écartés car il n'y a aucun raison que la même logique ne leur soit pas appliquée (c'est en tout cas ce que préconise le guideline de l'IDSA en 2010).


conclusion

Il parait dorénavant assez licite de stopper l'antibiothérapie à l'apyrexie d'un patient d'hématologie, en sepsis non grave, une fois la négativité des hémocultures obtenue (J5).


PRESENTS

Prs Gruson, Boyer, Drs Bui, Clouzeau, Sazio, Pillet, Laterrade, Guesdon, Cayrol, Perfetti, (Médecine Intensive Réanimation GH Pellegrin), Dr Moisan (Déchocage GH Pellegrin), Dr Berdaï (Pharmacologie, GH Pellegrin), Dr Griton (Maternité, GH Pellegrin)

EXPERTS

Dr Forcade (Hématologie, GH Sud), Pr Cazanave (Maladies Infectieuses, GH Pellegrin)

janvier 2018