JANV 2023 UN ESPOIR AVEC L'ECMO DANS LE CHOC SEPTIQUE REFRACTAIRE AVEC ATTEINTE CARDIOGENIQUE

Venoarterial extracorporeal membrane oxygenation to rescue sepsis-induced cardiogenic shock: a retrospective, multicentre, international cohort study. Lancet 2020;396:545-52

doi: 10.1016/S0140-6736(20)30733-9.

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Introduction

Le sepsis est fréquemment associé à une dysfonction myocardique voir un choc cardiogénique dans les formes les plus sévères de choc septique, avec une mortalité >80%. Recommandée chez l'enfant, deux petites études seulement chez l'adulte suggèrent une survie de 70% en cas d'ECMO veino-artérielle de « rescue ». Sa place dans cette indication précise reste à définir.

Méthodes

Il s'agit d'une étude observationnelle, rétrospective, multicentrique essentiellement française, conduite de janvier 2008 à mars 2018. Deux groupes ont été constitués. Le groupe ECMO comportait des patients présentant un choc septique avec composante de choc cardiogénique (les insuffisants cardiaques chroniques n'étaient pas exclus) et l'ECMO était initiée en pratique en cas de FEVG <35% ou IC<3L/min/m2 + lactates >4mmol/L + inotrope score >75ug/kg/min. Ils ont été comparés à un groupe contrôle de choc septiques qui ont développé - dans les 4 premiers jours (afin qu'ils restent comparables au groupe ECMO) - une composante cardiogénique définie par les mêmes critères mais qui n'ont pas eu d'ECMO. Vu le probable biais d'indication, un score de propension de mise en place de l'ECMO a été réalisé avec comme variables la sévérité de la dysfonction myocardique (FEVG, IC), la sévérité du choc septique (SOFA, âge, immunodépression entre autres), le délai entre choc septique et l'inclusion. Le critère de jugement principal était la mortalité à 90 jours : elle a été analysée par un modèle de Cox ajusté au score de propension. Les critères de jugements secondaires étaient la décroissance des lactates, de l'inotrope score dans les 5 jours. Des analyses de sensibilité ont été réalisées  sur l'année d'inclusion, le site de l'infection, l'implantation précoce de l'ECMO et la durée de l'ECMO.

Résultats

82 patients ont été inclus dans le groupe ECMO (débuté 1.1j après le début du choc septique), 130 dans le groupe sans ECMO. Il s'agissait de patients en choc septique sévères (SOFA 16.6 groupe ECMO et 12.7 groupe sans ECMO). Les patients du groupe ECMO avaient plus de sepsis d'origine pulmonaire (78% vs 38%), étaient plus sévères que les patients non ECMO (lactate 8.9 vs 6.5, inotrope score 279 vs 145 gamma/kg/mn) et avaient une défaillance cardiogénique plus marquées (IC 1.54 vs 2.21 l/mn/m2). Même après équilibre des groupes grâce au score de propension, les deux groupes de patients restaient statistiquement différents sur la FEVG (17% groupe ECMO vs 27% groupe non ECMO) ainsi que sur la source de l'infection (infection pulmonaire 78% dans groupe ECMO vs 38% groupe non ECMO). Le taux de mortalité non ajusté à 90 jours était à 25% dans le groupe ECMO vs 60% dans le groupe non ECMO (RR 0.54, IC95% 0.40-0.70 ; p<0.0001). Après ajustement au score de propension, le HR était de 0.57 (IC95% 0.35-0.93 ; p=0.0029). Les différentes analyses de sensibilité n'ont pas modifié le résultat pour le critère de jugement principal. Il existait une décroissance des lactates et de l'inotrope score significativement plus forte dans le groupe ECMO vs le groupe non ECMO.

Discussion

Lors de la discussion en présence de l'auteur principal, tout le monde s'accorde à trouver cette étude intéressante et originale ce d'autant que des résultats avaient déjà été montrés chez les enfants.

Un certain nombre de biais sont discutés.

-  -  D'abord un potentiel biais de sélection car 65 des 82 patients du groupe ECMO venaient du centre parisien.

-        Puis la question d'un biais de confusion persistant est posée. Le score de propension est supposé réduire ce risque sauf si des biais de confusion inconnus ou connus ne sont pas inclus dans le score ou si le score n'a pas réussi à équilibrer les deux populations

o   Ainsi le score n'a pas réussi à rééquilibrer les populations sur le site infectieux et la fraction d'éjection du ventricule gauche : c'est néanmoins un biais protecteur pour l'ECMO

o   Biais de confusion connus : on ne connaît ni le taux de patients ayant un cœur pathologique parmi leurs comorbidités ni le taux d'atteinte du ventricule droit alors même que le sepsis respiratoire est prédominant dans le groupe ECMO.

o   Biais de confusion inconnue : en clinique, une irréversibilité du choc peut être observée lorsque l'atteinte hépatique (l'auteur principal précise que les deux groupes ne différaient pas sur cette atteinte) ou splanchnique se développe ce qui est souvent lié à une combinaison (virulence de l'infection + délai de prise en charge) et se traduit par une vasoplégie irréversible. Un participant évoque alors le parallèle avec les intoxications aux Ica2+ qui peuvent avoir une composante cardiogénique mais qui ne sont pas pour l'instant reconnus comme étant une bonne indication à l'ECMO au du fait de cette vasoplégie persistante intense). Il faudrait pouvoir trouver la variable représentant ce délai d'irréversibilité (perfusion splanchnique ?) pour pouvoir la contrôler dans un tel type d'étude.

L'auteur principal précise qu'une étude randomisée comparant dans cette indication l'ECMO à un standard of care (et qui aurait éliminé les biais de confusion connus et inconnus) n'est plus faisable du fait du manque d'ambivalence notamment pour les centres qui en ont l'expérience. Par contre il nous informe d'une future étude comparant ECMO précoce vs tardive. La discussion rebondit donc sur les critères tardifs versus précoce et sur la question du délai d'irréversibilité : il serait important de le connaître car cela pourrait aider à trouver le bon timing pour cette intervention

-          Trop tôt risque de conduire à des transferts injustifiés et risqués vers des centres ECMO référents et/ou à une attitude invasive injustifiée comportant sa propre morbidité (dans l'étude les complications touchent quasiment 1 patient sur 2 et chez les survivants 20 % des patients ont nécessité une reprise chirurgicale au site d'insertion).

-          Trop tard et le choc devient irréversible malgré la mise en place de l'ECMO.

C'est en tout cas une technique qui sera discutée à l'avenir dans la prise en charge de ces patients.

 Présents

Drs Sazio, Champion, Prével, Godard, Sioniac, Gachet et Prs Gruson, Boyer, MIR GHP CHU Bordeaux ; Dr Berdaï Pharmacologie GHP CHU Bordeaux ; Dr Dewitte Ranimation chirurgicale GHS CHU Bordeaux ; équipe de réanimation des CH de Périgueux, Pau et équipe de surveillance continue du CH de Langon.