Décembre 2019 hypothermie dans l'arrêt cardiaque
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INTRODUCTION
Alors que l'hypothermie thérapeutique dans l'arrêt cardiaque à rythme choquable fait consensus, la littérature scientifique est discordante sur les effets de l'hypothermie sur le pronostic neurologique dans l'arrêt à rythme non-choquable. L'objectif d'HYPERION était de comparer l'hypothermie thérapeutique modérée (33°C) versus normothermie (37°C) sur le pronostic neurologique après arrêt cardiaque à rythme non-choquable.
MÉTHODES
Étude randomisée
contrôlée ouverte dans 25 services de réanimation français. Étaient éligibles
les personnes >18 ans présentant un arrêt cardiaque à rythme non-choquable intra
ou extra-hospitalier, comateux Glasgow ≤ 8 à l'admission. Étaient exclus entre
autre les patients avec no-flow >10mn ou low-flow >60mn, délai ACR-screening
>300mn, instabilité hémodynamique majeure. Randomisation centralisée 1:1 stratifiée
sur le centre et la cause de l'arrêt.
Dans le groupe
test, hypothermie ciblée à 33°C maintenue 24h avec sédation profonde, puis
réchauffement de 0,5°C par heure, puis normothermie ciblée à 37°C pendant 24h.
Dans le groupe contrôle, normothermie ciblée à 37°C pendant 48h avec sédation si besoin pendant les 12 premières heures. Le contrôle de température s'effectuait avec des cathéters intravasculaires, des dispositifs de surface avec boucle de contrôle automatisée ou des dispositifs plus basiques, à la discrétion des cliniciens.
Le critère de jugement principal était le pronostic neurologique à 90 jours, évalué par le Cerebral Performance Category (CPC) scale, le pronostic favorable étant défini par un CPC score à 1 (bonne performance cérébrale ou déficience mineure) ou 2 (déficience modérée), évalué par un psychologue via un entretien téléphonique semi-structuré. La tolérance de l'hypothermie faisait partie des critères de jugement secondaires. Pour obtenir un gain de 9% de CPC score 1-2 avec le groupe hypothermie vs normothermie (23 vs 14%), 584 patients étaient nécessaires.
RÉSULTATS
De 2014 à 2018, 584 patients étaient randomisés (284 dans le groupe hypothermie, 297 dans le groupe normothermie) dont 72,6% d'arrêts cardiaques extra-hospitaliers. Les cibles de température étaient atteintes malgré des variations pouvant amener certains patients à avoir des températures <31°C dans le groupe hypothermie et >38°C dans le groupe normothermie. La durée totale de la phase hypothermie a duré entre 56 et 64h pour éviter un effet rebond de l'hypothermie.
A 90 jours, il était retrouvé 10,2% de score CPC 1 ou 2 dans le groupe hypothermie, versus 5,7% dans le groupe normothermie, soit une différence de 4,5% (IC95% [0,1-8,9]. On ne retrouvait pas de différence significative sur la mortalité (environ 82%) ni sur les autres critères de jugement secondaires, notamment la tolérance.
DISCUSSION
Au regard de la
discordance de la littérature, cette étude peut apparaître comme un tournant
dans l'utilisation de l'hypothermie thérapeutique pour tous les arrêts cardiaques.
Néanmoins, certains éléments de l'article ont été discutés par les experts présents.
Une différence de nombre d'arrêt devant témoin, un
facteur de bon pronostic connu, favorisait le groupe hypothermie (96.5% contre
91.9%). En outre, des conditions plus favorables existaient dans le groupe
hypothermie avec 8-16h de contrôle de la température de plus que l'autre
groupe. Ce groupe a aussi majoritairement bénéficié des dispositifs de
refroidissement externe avec boucle de contrôle quand le groupe normothermie
bénéficiait majoritairement des dispositifs basiques. De plus, la présence de température >38°C dans le
groupe contrôle a pu fragiliser ce groupe, ce qui n'était pas arrivé dans la précédente
étude de Nielsen et al. Or cette étude n'avait pas retrouvé de différence
significative entre hypothermie à 33°C et normothermie à 36°C. Un biais de classement a pu survenir du fait de la
présence d'un seul investigateur pour collecter, par téléphone, le critère de
jugement principal (CPC score). D'autant qu'il existe une variabilité
inter-observateur de 12% lors de la réalisation de CPC (Grossestreuer et al.
Resuscitation 2016). Mais il n'y a pas de
raison que cela ait plus défavorisé un groupe du fait de la randomisation. Enfin,
l'indice de fragilité des résultats était important, un seul patient était
nécessaire pour rendre les résultats non significatifs.
D'autres praticiens sont plus confiants dans les résultats de l'étude. Le résultat bien que fragile statistiquement est quand même réel. Si l'augmentation de température >38°C dans le groupe témoin le défavorisait, le groupe hypothermie comportait lui aussi des éléments défavorisant avec des températures <31°C. Par ailleurs si ces écarts sont survenus dans une étude randomisée il est probable qu'ils surviennent en vraie vie. Eviter l'hyperthermie est donc peut-être plus lié à un effet halo de la stratégie hypothermie qu'à son effet direct. Autre effet halo du groupe intervention, l'utilisation d'un niveau de sédation plus important qui peut avoir joué un rôle positif sur le meilleur respect des ACSOS. Enfin, l'hypothermie n'a pas induit d'effets secondaires dans cette étude et a été bien tolérée.
CONCLUSION
Cette étude retrouve une différence significative en faveur de l'hypothermie thérapeutique à 33°C. Un certain nombre de limites ayant été pointées, et en confrontant HYPERION à la littérature, il apparaît que le minimum que l'on puisse proposer aux patients est un contrôle absolument strict de la température de nos patients <37°C. Il est probable qu'une température plus basse (33°) soit encore plus profitable à ces patients.
PRESENTS
Drs Mourrissoux, Sazio, Champion, Clouzeau, Bui, Poteau, Gros, Boyer, Prs Vargas, Hilbert, Gruson, Boyer, Médecine Intensive Réanimation, GH Pellegrin et GH Saint André; Dr Griton, Maternité GH Pellegrin; Dr Rougier, Anesthésie GH Pellegrin; Dr Berdaï, Pharmacologie GH Pellegrin
Posté le 16/01/2020 à 17:09 par Hoang-Nam BUI