Décembre 2018: le pronostic chez le patient anoxique

Use of brain diffusion tensor imaging for the prediction of long-term neurological outcomes in patients after cardiac arrest: a multicentre, international, prospective, observational, cohort study
http://dx.doi.org/10.1016/S1474-4422(18)30027-9
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Introduction :

L'évaluation précoce du pronostic neurologique chez les patients hospitalisés dans les suites d'un arrêt cardio-respiratoire (ACR) est un enjeu médical et éthique important. La technique d'IRM de tenseur de diffusion étudie les mouvements microscopiques des molécules d'eau contenues dans un tissu. Dans le cerveau, ces mouvements se font préférentiellement dans l'axe des fibres de substance blanche. Cette directionalité préférentielle est quantifiable en IRM via le paramètre FA, pour fraction d'anisotropie, qui est compris entre 0 et 1 et d'autant plus proche de 1 que l'eau diffuse dans une direction spécifique. Toute altération de la substance blanche, par exemple dans les suites de lésions anoxiques post ACR, peut se traduire par une baisse de la FA. L'objectif de cette étude était d'évaluer et de valider la performance pronostique de la FA au sein de la substance blanche pour prédire la récupération neurologique post ACR.


Matériels et méthodes :

Etude de cohorte observationnelle multicentrique prospective internationale entre 2006 et 2014. 2 cohortes ont été constituées: évaluation et validation. Etaient inclus les patients dont l'éveil était anormal après J7. En plus des examens pronostics habituels, tous les patients ont eu des séquences spécifiques d'IRM en tenseur de diffusion réalisées entre J7 et J28 de l'ACR. Le critère de jugement principal était le Cerebral Performance Category Scale (CPC) à 6 mois permettant de distinguer les patients ayant bien évolué sur le plan neurologique (CPC 1-2) des pronostics défavorables (CPC 3-5). Ce qui est capital sur le plan éthique est de ne pas condamner des patients par erreur. La spécificité est donc le premier paramètre requis. Sur le plan statistique, 185 patients étaient nécessaires pour obtenir une spécificité de 100% et une sensibilité de 75% en fonction d'une prévalence estimée de pronostic défavorable de 85% (+20 % de perdus de vue).


Résultats :

185 patients ont été inclus dont 150 analysés (IRM non interprétable pour 35). 22% avaient une évolution neurologique favorable à 6 mois. Le délai moyen de réalisation de l'IRM était J13 (IC95% 8-18). L'AUROC de la FA/substance blanche (0,95 ; IC 0,91-0,98) est statistiquement supérieure aux autres AUROC (GSC, EEG, autres séquences IRM), avec une spécificité de 100% (IC95% 89-100) et une sensibilité de 89% (IC95% 82-94) au seuil de 0.91. Sur la cohorte de validation (50 patients), une valeur de FA inférieure à 0,91 permettait d'obtenir une VPN de 71,4% (IC95% 41,9-91,6), une VPP de 100% (IC95% 90-100), une sensibilité de 89,7% (IC95% 75,8-97,1) et une spécificité de 100% (IC95% 69,1-100) pour la prédiction d'une évolution neurologique défavorable. En outre, c'est la combinaison de tous les facteurs pronostiques y compris la FA (IRM) qui a retrouvé la meilleure sensibilité (98% IC95% 93-100) et spécificité (100% IC95% 86-100)


Discussion :

Validité interne

Limites techniques : l'altération de la FA n'est pas spécifique des lésions anoxiques car elle varie notamment avec l'âge (les atrophies cérébrales avec moins de 85% de cerveau analysable ne peuvent être éligibles à cette technique) : aucun appariement sur ce critère n'a pourtant été effectué. Malgré une analyse centralisée des données IRM, la technique d'acquisition IRM qui varie d'un constructeur à l'autre, et donc selon les centres, peut induire des variations. Or, seulement 5 volontaires sains étaient utilisés pour calibrer chaque machine. Un biais de classement a donc pu survenir. La durée d'étude de 8 ans a pu également entrainer un défaut de reproductibilité de la technique IRM.

Limites statistiques : la plupart des marqueurs pronostics dans cette étude ont une forte spécificité mais peu ont une sensibilité suffisante. L'EEG par exemple a une spécificité de 100% mais une sensibilité de 5%, laissant 95% des patients sans aucune prédiction possible par ce marqueur. La FA possède un bon équilibre entre spécificité et sensibilité. Par contre, l'intervalle de confiance de la spécificité de la FA (IC95% 89-100) est plus représentatif que l'estimation ponctuelle (100%). Or la borne inférieure de l'IC est à 89% dans la cohorte de dérivation et 69% dans la cohorte de validation. Ce qui laisse persister une zone grise de pronostication importante et inacceptable pour ce marqueur utilisé si utilisé isolément.

Validité externe

La population dans cette étude n'est pas représentative de tous les arrêts cardiaque car seuls ceux qui sont encore vivants à J7, chez qui le doute pronostic persiste, et qui ont en moyenne l'IRM à J13 sont présents. Il est à noter qu'aucune mesure des potentiels évoqués somesthésiques n'a été réalisée dans cette étude alors qu'elle est recommandée dans l'évaluation des comas post-anoxiques.


Conclusion :

L'IRM en tenseur de diffusion est un outil supplémentaire pertinent pour aider à la pronostication neurologique dans les suites d'un ACR. Mais il ne doit pas être utilisé seul pour décider et doit plutôt s'intégrer dans une démarche d'évaluation multimodale (clinique/électro physiologique) et collégiale.


Décembre 2018