AVRIL 2019: PANOTPRAZOLE ? PAS DE QUOI ETRE ESTOMAQUE

Pantoprazole in Patients at Risk for Gastrointestinal Bleeding in the ICU
DOI: 10.1056/NEJMoa1714919
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Introduction

Le risque d'ulcère de stress en réanimation est important et des facteurs de risques décrits. La balance bénéfice (prévention des ulcères) risque (infection à Clostridium difficile, cardiopathie ischémique, pneumopathie) des inhibiteurs de la pompe à protons n'est toujours pas connue.


Méthode

Etude randomisée contrôlée versus placebo, multicentrique, conduite en 2016 et 2017 dans le nord de l'Europe. Les patients inclus sont les patients adultes admis en réanimation et possédant un facteur de risque d'hémorragie intestinale parmi choc, épuration extrarénale, anticoagulant, ventilation mécanique > 24h, antécédents de maladie hépatique ou de coagulopathie. Les patients recevaient soit 40 mg de Pantoprazole soit un placebo jusqu'à la sortie de réanimation, le décès, et sur une durée d'un maximum de 90 jours. Le critère de jugement principal est la mortalité à 90 jours analysée en intention de traiter. Les effets secondaires du Pantoprazole et les hémorragies gastro-intestinales faisaient partie des critère de jugement secondaire. Le calcul d'effectif prévoyait d'inclure 3350 patients pour une puissance de 90% un risque alpha de 5% bilatéral afin de démontrer une réduction de 25 à 20% de la mortalité.

Résultats

1645 patients ont été randomisés dans le groupe Pantoprazole et 1653 dans le groupe placebo. Les patients étaient sévères (IGS2 à 49, 2/3 des patients en choc et 3/4 ventilés) essentiellement médicaux et leurs caractéristiques à baseline étaient identiques (un peu plus de coagulopathie dans le groupe Pantoprazole (21% versus 18%) et plus de chirurgie en urgence dans le groupe placebo (34% versus 30%)).

Il n'y avait pas de différence de mortalité J90 (31,1% Pantoprazole versus 30.4% placebo ; RR 1.02 (IC95% 0.91 - 1.13). Dans les analyses de sous-groupes, seul le score IGS2 modifiait l'effet du Pantoprazole, les patients les plus graves mourant moins dans le groupe placebo. Parmi les critères de jugement secondaire, il y avait moins d'hémorragie gastro-intestinale cliniquement significative dans le groupe Pantoprazole (2.5% versus 4.2% ; RR 0.58 (IC95% 0.40 - 0.86)). Par contre, le nombre de patients transfusés n'était pas différent entre les groupes (32.5% Pantoprazole versus 29.6% placebo) sans différence sur le nombre de culots transfusés.


Discussion

La discussion débute sur la validité interne de l'étude.

-          N'aurait-il pas été préférable de faire une étude de non-infériorité. Il est alors rappelé que pour cela il faut déjà qu'un médicament de référence existe qui ne soit pas le placebo.

-          Un manque de puissance éventuelle est également discuté mais la mortalité dans l'étude étant supérieure à celle qui était attendue (30 vs 25%) cela ne plaide pas pour un manque de puissance.

-          Le Pantoprazole était utilisé à 40 mg au lieu de 20 mg dose préventive actuellement reconnue.

-          La mortalité était-elle un bon critère de jugement principal ? Ce n'est pas certain car l'ulcère gastroduodénal est prise en charge rapidement en réanimation et n'a pas forcément de lien direct avec la mortalité (même s'il a été montré qu'il pouvait entraîner des défaillances d'organes tels qu'une incidence rénale aiguë pouvant elle-même être source de surmortalité).

-          On ne peut retenir la baisse des hémorragies cliniquement pertinente observée dans cette étude vu que ça ne s'est pas traduit par un besoin transfusionnel plus important ni par un nombre de patients transfusés plus important. Cela reste donc un signal faible.

-          Les effets secondaires ischémiques n'ont pas n'ont pas été observés avec un recul suffisant.

-          Il est enfin surprenant que les patients les plus sévères soient ceux qui aient le moins profité du Pantoprazole..

 

Puis la discussion s'oriente vers des problèmes importants de validité externe.

En effet il est à noter que les malades sont peu sélectionnés car les facteurs de risque d'hémorragie retenus dans cette étude sont plus larges que les facteurs de risque reconnus :
- 1 facteur de risque suffisait alors que 2 sont nécessaires dans les recommandations SFAR-SRLF

- ventilation mécanique > 1 jour alors que supérieure 2 jours dans les recommandations

- antécédents de maladie hépatique est un critère très large.

- la nutrition entérale ne fait pas partie de cette étude alors qu'elle est souvent reconnue comme un facteur protecteur.

Une analyse en fonction de ses facteurs de risque aurait donc été intéressante afin de distinguer s'il y avait une modification d'effet du Pantoprazole en fonction du nombre de facteurs de risque.

Enfin parmi les 10 000 patient éligibles, 40% avait déjà reçu des IPP et ne pouvaient donc être inclus. Si cela peut correspondre à une population de malades médicaux, cela ne reflète pas du tout la population des malades de réanimation chirurgicale et cette étude ne peut correctement s'appliquer de ce point de vue à ces derniers malades.

 

Conclusion

Suite aux données de cette étude, il est tentant de stopper l'utilisation du Pantoprazole en prévention d'ulcère gastro-duodénal de stress chez les patients admis en réanimation et possédant des facteurs de risque. Néanmoins, en l'absence de donnée claire dans cette étude sur les  malades possédant au moins deux facteurs de risque d'hémorragie gastro-intestinale, nous continuerons de prescrire les inhibiteurs de pompe à protons en attendant d'autres données.

Présents 

Drs Sazio, Bui, Poteau, Champion, Perfetti, Gros, Poteau et Prs Vargas, Hilbert, Gruson, Boyer, Médecine Intensive Réanimation GH Pellegrin, Dr Petit (Réanimation Chirurgicale, GH Pellegrin, Dr Delord (Polyclinique Bordeaux Nord Aquitaine) Drs Pageot et Berdaï (Pharmacologie, GH Pellegrin)