NOV 2019 intelligence artificielle pour pronostiquer le réveil dans l'arrêt cardiaque
Intelligence artificielle pour pronostiquer le réveil dans l'arrêt cardiaque : toutes les aides sont bienvenues !
Detection of Brain Activation in Unresponsive Patients with Acute Brain Injury
NEJM 2019
DOI: 10.1056/NEJMoa1812757
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Introduction
Une nouvelle catégorie de patients en coma post anoxique, dits en état de « dissociation cognitivo-motrice » lors de la stimulation par instructions verbales d'un médecin, a été récemment individualisée grâce à l'EEG continu. L'article s'intéresse au potentiel de récupération de ces patients.
Méthodes
Etude américaine prospective monocentrique (2014-2017) incluant les patients cérébro-lésés pris en charge dans une unité de neuro-réanimation et définis par une absence de réponse clinique aux ordres simples. Ces patients bénéficiaient tous d'un monitorage EEG continu. Les malades ont été classés en deux groupes : ceux présentant à un moment de leur prise en charge un état de « dissociation cognitivo-motrice » vs ceux sans détection d'un tel état. La détection de la « dissociation cognitivo-motrice » se fondait sur un algorithme de machine learning analysant les tracés EEG secondaires à une stimulation verbale par un médecin. Pour définir une telle dissociation, l'algorithme devait distinguer efficacement deux figures de tracés EEG différentes entre celui qui suivait chacune des consignes motrices et celui qui suivait chacune des périodes de repos sans ordres.
Le critère de jugement principal de leur évolution consistait en un GOS-E ≥ 4 à 12 mois (possibilité d'être laissé jusqu'à 8 heures au cours de la journée sans assistance).
Résultats
104 patients ont été inclus avec 32% de coma post-anoxique, 25% d'hémorragies intracérébrales, 14% de traumatismes crâniens, 12 % d'hémorragies sous-arachnoïdiennes. Un état de « dissociation cognitivo-motrice » existait chez 16 (15%) patients vs 88 (85%) sans dissociation. Une proportion plus importante de patients avec un GOS-E ≥ 4 à 12 mois chez les patients présentant une « dissociation cognitivo-motrice » était démontrée : 44% vs 14% OR 4.6 (IC 95% 1.2-17.1). Ces patients montraient une tendance à présenter une réponse aux ordres simples avant la sortie de l'unité de réanimation plus fréquente (OR 2.8 (IC 95% 1-8.4).
Discussion
Dans l'objectif de mieux pronostiquer l'évolution des patients en coma post-anoxique, un certain nombre se trouvant actuellement en zone grise, les auteurs ont tenté de détecter une activité consciente au-delà de l'examen clinique. La présence d'une « dissociation cognitivo-motrice » à l'EEG continu est associée à une récupération neurologique meilleure à un an.
Les experts présents ont d'abord discuté l'absence de différence de mortalité associée à la présence ou non de cette dissociation. Cela prouverait la spécificité fonctionnelle de ces patterns électrophysiologiques. L'EEG semble avoir détecté ce que l'examen clinique n'était pas capable de distinguer. Par ailleurs, l'utilisation de techniques de machine learning permet de tenter de détecter des schèmes différents sur chaque enregistrement EEG en n'ayant aucun parti pris quant à l'anatomie sous-jacente sous-tendant les processus conscients. La machine en question cherche juste à séparer de manière efficace des figures EEG « suffisamment » différentes.
Même si la proportion de « dissociation » apparaît dans cette étude comparable à celle retrouvée dans la littérature (environ 14% des patients), plaidant en faveur de la capacité de classification des machines learning, les experts présents se sont toutefois interrogés sur la réalité de ce qu'elles détectent. Elles apparaissent comme de véritables « boîtes noires » sachant que l'on ne dispose pas de « gold standard » validé pour détecter une activité consciente. Dans ce contexte, quelle valeur peut-on attribuer à la classification effectuée automatiquement par cette technique ? N'est-il pas prématuré de l'utiliser dans une optique d'aide à la décision de limitation thérapeutique ? Y-a-t-il des faux positifs (dissociation à l'EEG mais mauvais pronostic), des faux négatifs (pas de dissociation à l'EEG et bon pronostic) ? De plus, la performance diagnostique de la machine pour différencier les deux schémas EEG n'était pas exigeante : une AUC > 0.5 suffisait à affirmer la présence d'une dissociation cognitivo-motrice. L'impact des sédations ou des variations de conscience n'était par ailleurs pas parfaitement pris en compte. Enfin, les LATA ne sont pas explicitées ce qui expose au problème des prophéties auto-réalisatrices.
Conclusion
Il semble difficile d'utiliser dans un futur proche ces techniques. Néanmoins, leur capacité à distinguer rapidement les signes de conscience (ici la dissociation cognitivo-motrice) va au-delà de ce que l'œil humain peut faire aussi bien pour l'examen clinique, que pour l'interprétation des examens pronostiques usuels, notamment l'EEG. Ces techniques sont donc à suivre.
Expert :
Pr Burbaud, , GH Pellegrin
Présents:
Drs Sazio, Clouzeau, Bui, Champion, Guesdon, Cayrol, Poteau, Gros, Guisset, Mourrissoux; Prs Hilbert, Vargas, Gruson, Boyer Médecine Intensive Réanimation, GH Pellegrin et GH St André