Juin 2019: Loin du coeur, près des cieux ?

Loin du coeur, près des cieux ?

Coronary Angiography after Cardiac Arrest without ST-Segment Elevation / NEJM 2019

DOI: 10.1056/NEJMoa1816897

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Introduction

Les arrêts cardiaques avec rythme non choquable avec une élévation du segment ST à l'ECG après cardioversion signent le plus souvent des infarctus du myocarde avec obstruction brutale d'un tronc épicardiaque et bénéficient d'une coronarographie en urgence, dans l'optique d'une angioplastie. En revanche, lors d'un arrêt sur rythme choquable mais sans élévation du segment ST, il n'y a pas de preuve du bénéfice d'une stratégie invasive.

 

Méthodes

COACT est un essai contrôlé, randomisé, multicentrique néerlandais. Tous les patients victimes d'arrêt cardiaque sur rythme choquable sans élévation du segment ST après cardioversion, avec score de Glasgow < 8 étaient inclus et randomisés en 2 groupes : coronarographie immédiate vs différée en post réanimation ou si apparition d'instabilité hémodynamique réfractaire, d'arythmies ou de signes ischémiques récurrents.

Le critère de jugement principal analysé en ITT était la survie à 90 jours et une hypothèse de supériorité de 13% de mortalité (45% groupe retardé vs 32% groupe immédiat) a été retenue.

 

Résultats

280 patients étaient inclus dans le groupe coronarographie immédiate et 272 dans le groupe tardif. La population était composée de 80% d'hommes, d'âge moyen 65 ans, avec no-flow et low-flow de 2 et 15 min. 77% des arrêts étaient survenus devant témoin, et 1/3 des patients étaient coronariens connus. La coronarographie a été réalisée chez 97% des patients du groupe immédiat avec un délai médian de 0,8h, versus 65% dans le groupe retardé avec un délai de 120h.

Il n'y avait pas de différence sur le critère de jugement principal (67,2% de survie dans le groupe coronarographie retardée vs 64,7% immédiat). Environ 2/3 des décès étaient de cause neurologique dans les 2 groupes, et le seul critère de jugement secondaire qui ressortait statistiquement en défaveur du groupe coronarographie immédiate était une différence de moins d'une heure dans le délai pour atteindre une température cible. Une occlusion coronaire aigue était traitée dans 3,4% des coronarographies immédiates et 7,6% des coronarographies retardées.

 

Discussion

La discussion s'engage par un constat : la stratégie de coronarographie immédiate n'a pas permis de gain sur la mortalité.

 

Cela peut être dû au faible nombre de lésions réellement à traiter : la notion de lésion instable décrite dans l'article est remise en cause par les experts car c'est un diagnostic parfois difficile sans imagerie intracoronaire, et la notion de lésions tritronculaires ne signifie pas toujours que la coronarographie sera efficace. Ainsi rien ne dit qu'il ne s'agissait pas dans cette étude de cicatrices d'infarctus ayant généré un trouble du rythme plutôt que d'infarctus récents mieux à même de bénéficier d'une coronarographie immédiate. Cela explique peut-être pourquoi les patients ayant des antécédents coronariens ne bénéficiaient pas de l'intervention immédiate.

 

Le second problème majeur que pose cette étude est la sélection drastique à laquelle elle a conduit : 2 minutes de no flow ou plus de 60% de survie en témoignent et cela ne représente pas notre pratique quotidienne. Soulignons que les patients avaient a priori un bon pronostic neurologique si l'on considère les délais de réanimation. Une absence d'efficacité sur une population aussi sélectionnée n'est pas de bon augure pour une population moins sélectionnée comme celle que nous traitons.

 

Un problème de puissance est également soulevé car la mortalité s'est avérée moindre que celle qui avait été prise en compte dans le calcul d'effectif. Néanmoins la tendance présente dans l'étude est plutôt en défaveur de la coronarographie immédiate et ce manque de puissance ne peut donc expliquer son absence d'efficacité.

 

Il ne semble pas possible que la différence dans le délai d'obtention d'une hypothermie protectrice puisse expliquer le résultat. Ce délai est faible et les preuves d'efficacité de l'hypothermie restent également soumises à débat. Comme toujours dans ces études ouvertes portant sur la mortalité, il est important de regarder le pourcentage de décision de LATA. Dans cette étude hollandaise, il était de 80% et 4 jours seulement étaient nécessaires pour prendre cette décision ! Guère applicable en France !

 

La discussion se termine en reconnaissant néanmoins que la coronarographie a été bien tolérée dans cette étude et n'est donc pas un examen délétère. Elle reste également valide selon les experts sur le choc cardiogénique ou si un trouble du rythme persiste. Un service de réanimation accueillant ce type de patients ne doit donc pas se situer trop loin des services de cardiologie dans lesquels l'assistance extracorporelle et une coronarographie retardée devraient pouvoir avoir lieu aisément.

 

Conclusion

L'absence de bénéfice de la coronarographie immédiate ne justifie pas un changement de nos pratiques actuelles sur les arrêts cardiaques avec rythme non choquable et sans élévation du segment ST à l'ECG. Cela nous console paradoxalement de ce que réanimateur et cardiologues bordelais perçoivent comme une distance géographique parfois regrettable entre nos deux services.

D'autres études similaires sont actuellement en cours, elles devraient apporter des éléments de contestation ou conforter les données de cet essai.

 

Présents 

Drs Pillet, Sazio, Bui, Clouzeau, Champion, Guisset, Issa, Mourissoux et Prs Vargas, Boyer, Médecine Intensive Réanimation GH Pellegrin et GH St André, Dr Berdaï Pharmacologie GH Pellegrin

 Experts

Pr Coste et Dr Gerbaud, Cardiologie GH Sud