JUILLET 2020 SEDATION EN REANIMATION

Sédation en réanimation: les scandinaves font de beaux rêves !
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Nonsedation or Light Sedation in Critically Ill Mechanically Ventilated Patients

The New England Journal of Medicine

DOI: 10.1056/NEJMoa1906759

Introduction

La sédation des patients sous ventilation mécanique présente des effets indésirables non négligeables. Une stratégie d'interruption quotidienne des sédations a montré une réduction de la durée de ventilation mécanique et de la durée de séjour. Des données préliminaires ont suggéré que l'absence de sédation pourrait être supérieure à une sédation légère. Cette étude a pour objectif de rechercher un impact bénéfique sur la survie de l'absence de sédation par rapport à un protocole de sédation légère avec interruption quotidienne.


Méthodes

Il s'agit d'une étude multicentrique contrôlée, ouverte, randomisée (stratification par centre participant, âge > vs < 65ans et présence vs absence de choc) menée de janvier 2014 à novembre 2017 dans 8 unités de réanimation (5 au Danemark, 2 en Norvège, 1 en Suède). Les patients > 18ans, devaient être intubés depuis <24h et pour une durée supposée >24h. Etaient exclus les patients présentant un traumatisme crânien sévère, un état de mal épileptique, un état comateux, un état de mort cérébral, ceux mis sous contrôle ciblé de la température, transférés d'une autre unité de réanimation avec une durée de séjour > 48h, P/F < 67 ou nécessitant une sédation pour l'optimisation de l'oxygénation et la mise en décubitus ventral.

Le groupe intervention ne bénéficiait d'aucune sédation de routine sauf nécessité absolue.  Le groupe contrôle recevait une sédation légère avec interruption quotidienne avec un objectif de RASS (-3 à -2). Le critère de jugement principal était la mortalité à 90 jours. Les critères de jugement secondaires étaient le nombre d'événements thrombo-emboliques majeures, le nombre de jours sans décès, sans ventilation mécanique, sans coma, sans agitation, le score RIFLE et la durée de séjour. L'analyse principale était effectuée en intention de traiter. L'hypothèse statistique était de montrer une diminution de la mortalité de 25% (36% groupe no sedation vs 47% groupe sédation légère). Pour un risque α bilatéral de 5% et une puissance β de 80%, 700 sujets devaient être inclus.

 

Résultats

 

Parmi les 2300 patients éligibles, 710 ont été randomisés (336 ont refusé de participer à l'étude) et 700 patients ont été finalement analysés : 354 dans le groupe « absence de sédation Â» et 356 dans le groupe « sédation légère Â». Les deux groupes étaient comparables, l'âge médian était de 71 ans, le score APACHE de 25, les admissions médicales dans 68% des cas, plus particulièrement des SDRA, pneumonies et sepsis. Il n'existait qu'une différence étroite entre les 2 groupes pour le score de RASS  (J1 [-1.3 vs -2.3] et J7 [-1.8 vs - 2.8]. De plus, 27% des patients du groupe « absence de sédation Â» ont reçu une sédation par Propofol pendant les premières 24h après la randomisation, l'agitation était la raison la plus courante suivie des difficultés d'oxygénation.

Aucune différence significative n'a pu être mise en évidence sur la mortalité à 90 jours : 148 patients (42%) sont décédés dans le groupe intervention et 130 patients (37%) dans le groupe contrôle ; différence absolue 5,4 % [IC 95% âˆ'2.2 à 12.2] p= 0.65. Il n'a pas été non plus retrouvé de différence significative concernant la durée de séjour, le score RIFLE, le nombre de jours sans décès, sans ventilation mécanique, sans coma, et sans agitation. Une augmentation significative des événements thrombo-emboliques majeurs à 90 jours étaient retrouvée dans le groupe « sédation légère Â» (différence de -2.5 IC 95% [-4.8 à -0.7]).  Une augmentation significative d'extubation accidentelle nécessitant une réintubation dans les 24h et de retrait accidentel d'autres équipements étaient observés dans le groupe « absence de sédation Â» (respectivement +4.9 IC 95% [1.3 ; 8.7] p=0.01 et +6.1 IC 95% [1.3 ;11] p=0.01).

 

Discussion

 

Les présents discutent d'abord du résultat principal. Il est inverse à l'hypothèse de départ mais est incontestable. La stratégie « no sedation Â» n'est pas supérieure à la stratégie utilisée jusque-là. Ce qui ne veut pas dire que les deux stratégies sont équivalentes : les auteurs ne sont pas tombés dans cette facilité.

Le manque d'effet de la stratégie « no sedation Â» est  discuté. L'absence de différence nette dans les scores de sédation obtenus entre les deux stratégies peut expliquer ces résultats. Mais cela peut venir du fait que les pratiques admises avant l'étude - la light sedation - sont bien effectuées et que ce groupe a en effet été peu sédaté, et/ou que, pour des causes probablement respiratoires vu le recrutement, les patients du groupe « no sedation Â» ont été finalement assez sédatés. L'absence de différence significative sur la mortalité peut aussi venir du fait que les patients du groupe « no sedation Â» ont subi plus d'extubation accidentelle dont on connait la morbidité importante.

Cette étude s'est adressée à une population très sélectionnée (refus très nombreux) même si les patients finalement inclus correspondent à une population de réanimation médicale. Quelle est la raison du refus des patients ? Comment les patients inclus ont vécu l'absence de sédation ? De même pour les soignants ? Autant de questions laissées en suspens Par contre tous les présents s'inquiètent de la réplication de ces résultats dans des conditions de ratio personnel-patient bien moins favorables dans nos unités que dans les pays participant à l'étude, ce qui rend la stratégie « no sedation Â», particulièrement consommatrice de temps soignants, encore moins réalisable. La même remarque est faite concernant l'avance culturelle des pays scandinaves sur la communication avec le patient.

Une discussion s'engage aussi sur l'utilisation des neuroleptiques. Faut-il utiliser, comme dans l'étude, un NLP anti-productif comme l'olanzapine (Zyprexa) dont les difficultés PK sont pointées au cours de notre réunion, ou un NLP plus sédatif ?


Conclusion

La gestion de la sédation est un travail infirmier. Les différences structurelles et culturelles en faveur des pays scandinaves étaient idéales pour montrer un résultat en faveur de l'absence de sédation. L'absence de résultat n'est donc a fortiori pas en faveur de cette stratégie dans nos unités et la stratégie de sédation légère reste le gold standard de sédation des patients de réanimation, hors coma. Des outils de surveillance des delirium et des stratégies de traitement restent à déterminer pour permettre d'obtenir de nouveaux gains en faveur d'un sevrage plus précoce.

 

Présents

Drs Sazio, Bui, Clouzeau, Pillet, Gros, Poteau, Sioniac, Boyer, Prs Boyer, Gruson, Médecine Intensive Réanimation, GHP

Dr Guisset, Médecine Intensive Réanimation, GSA

Dr Berdaï, Pharmacologie, GHP

Dr Lucas et Grenouillet, USC CH Arcachon

Dr Guesdon, Réanimation CH Pau