SEPT 2025 Une bonne vieille corticothérapie dans la pneumocystose sévère du patient non VIH
Adjunctive corticosteroids in non-AIDS patients with severe Pneumocystis jirovecii pneumonia (PIC): a multicentre, double-blind, randomised controlled trial
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Introduction
La
mortalité hospitalière de la pneumocytose chez les patients immunodéprimés hors
VIH est de 30-50%. Les recommandations internationales basées sur une méta-analyse
de 2015 proposent l'utilisation de corticoïdes chez les personnes vivant avec
le VIH avec pneumocystose hypoxémiante. Chez le sujet non-VIH, l'impact d'un
tel traitement est équivoque dans les études observationnelles. L'objectif de
cette étude est d'évaluer l'effet d'une corticothérapie précoce de 21 jours
chez les patients immunodéprimés hors VIH avec pneumocystose hypoxémiante.
Méthode
Etude
randomisée en 1:1, contrôlée en double aveugle contre placébo dans 27 hôpitaux
français. Sont inclus les patients adultes hospitalisés avec diagnostic de
pneumocystose hautement probable avec documentation microbiologique, hypoxémie
(pO2<60mmHg ou oxygénorequérence >=3L/min pour une SpO2>=92%), et
traitement anti-pneumocystis débuté il y a moins de 7 jours. Sont exclus les
PVVIH et s'ils reçoivent une dose de corticoïdes > 1mg/kg/j. La
méthyprednisolone est administrée à dose décroissante pendant 21j ou jusqu'à
sortie de l'hôpital (30mg 2/j J1-J5, 30mg/j J6-J10, 20mg/j après). Le critère
de jugement principal est la mortalité à J28. Le nombre de patient nécessaires
est de 226 patients pour une hypothèse de différence de mortalité de 20 % (40->20%)
avec risque alpha 4.4% et bêta 10%.
Résultats
226 patients ont été inclus entre 2017 et 2024. L'analyse finale repose sur 111 patients dans le groupe placebo, 107 patients dans le groupe corticoïdes (7 retraits de consentement et 1 inclusion par erreur). L'âge médian était de 67 ans, il y avait 58% d'hommes. Les patients étaient principalement sous immunosuppresseurs ou avec une néoplasie. 95% d'entre eux étaient en soins critiques à la randomisation. La moitié des patients étaient déjà sous corticoïdes à la randomisation (10-15 mg/j). Les groupes sont globalement comparables sauf sur la présence de co-infection à la randomisation (13% dans le groupe placebo et 21% dans le groupe corticoïdes).
La mortalité à J28 était de 21.5% dans le groupe corticoïdes et 32.4% dans le groupe placebo. Il n'y avait pas de différence significative sur le critère de jugement principal (différence moyenne 10.9%, IC95% [-0.9 - +22.5]). En revanche, il y avait une diminution significative de mortalité à J90 (15.2%, IC95% [2.7 - 27.8]), ainsi que du recours à la ventilation invasive (16.5%, IC95% [3.5 - 29.5]). Il n'y avait pas d'augmentation significative de la survenue de coinfections (34.2% dans le groupe placebo et 23.4% dans le groupe corticoïdes).
Discussion
La grande majorité des intervenants présents ont jugé cette étude très solide sur le plan méthodologique puisqu'elle est randomisée, multicentrique en double aveugle contre placebo.
Des regrets ont été évoqués sur le choix du critère de jugement principal probablement un peu trop précoce (J28) vu la lenteur de guérison de la pneumocystose, mais le critère de jugement secondaire à J90 est positif et tous les autres critères de jugement secondaires sont positifs, ce qui amène une certaine robustesse aux résultats.
Le calcul d'effectif a également privé l'étude de la puissance nécessaire en attendant un trop gros effet sur la mortalité. Cela est peut-être dû à la volonté de n'inclure que peu de malades pour assurer la faisabilité de l'étude, la pneumocystose étant une maladie rare : l'étude a duré d'ailleurs plus de 8 ans (également en raison la COVID).
La randomisation a laissé un déséquilibre sur le nombre de patients sous corticoïdes inférieur à 1 mg/jour, mais ce déséquilibre a plutôt joué en défaveur du groupe corticoïde. Par contre, le déséquilibre du nombre de patients sous prophylaxie anti-pneumocystis est plutôt en faveur du groupe corticoïde. Une analyse secondaire multivariée de la mortalité à J90, tenant compte de ces disparités, serait la bienvenue pour vérifier la robustesse du résultat principal.
Il n'y a pas eu d'analyse de sous-groupe encore publiée pour voir quels sont les patients qui seraient le plus à même de bénéficier de la corticothérapie. Par contre, le traitement est bien toléré.
Les autres points discutés ont été
- Le lieu d'inclusion qui prévoyait d'être inclus dès qu'on était admis à l'hôpital plutôt qu'en réanimation seulement. Comme cela a été indiqué par des internistes infectiologues présents dans la salle, un certain nombre de patients ayant une pneumocystose sont hospitalisés et traités en médecine interne, parfois un peu limites pour la réanimation, et l'étude souhaitait inclure ce type de patient.
- L'inclusion de patients avec différentes modalités diagnostiques (LBA versus oral wash, qui n'existait pas au début de l'étude) ainsi que les différents niveaux de seuil de PCR est également une faiblesse, mais l'étude reste ainsi pragmatique par rapport à la réalité des difficultés de ce diagnostic.
- Un intervenant pose la question de savoir à quoi est dû l'effet des corticoïdes : un effet sur la lyse du pathogène ou à l'inflammation elle-même ? Nous apprenons qu'une étude est en cours sur les LBA disponibles pour essayer d'en savoir plus.
- Enfin, on ne sait pas si d'autres traitements anti-pneumocystis, telles que les échinocandines, ont été mis en place, car cette donnée n'a pas été relevée.
Conclusion
Au total, la majorité des présents est dorénavant en faveur de l'utilisation des corticoïdes dans la pneumocystose des patients sévères hypoxémiants non VIH.
Présents
Dr Lemiale MIR Hôpital Saint Louis, APHP
Drs Champion, Godard, Sioniac, Guillotin, Bui, Dumery, Meguerditchian, Fargeix, Mourrissoux, Guisset, Youssef, Sazio et Pr Boyer ; MIR GHP et GHSA CHU Bordeaux
Dr Berdaï, Service de Pharmacologie, GHP CHU Bordeaux