Ethique et fin de vie : la nouvelle loi Claeys-Leonetti

La nouvelle loi Claeys-Leonetti de janvier 2016 donne de nouveaux droits aux patients en fin de vie et, de fait, de nouvelles obligations aux cliniciens. Elle permet à chaque patient, à condition d’y réfléchir en amont, d’exprimer sa volonté via les directives anticipées rendues contraignantes et grâce au renforcement du rôle de la personne de confiance.
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SOMMAIRE

 loi claeys-leonetti© CHU de Bordeaux

La mise en oeuvre de cette loi demeure néanmoins délicate, et elle requiert plus que jamais dans l’intérêt du patient, d’associer au raisonnement clinique, la réflexion éthique. De même, elle clarifie les frontières de l’obstination déraisonnable et fourni aux praticiens les outils de mise en oeuvre d’une fin de vie digne. C’est maintenant à chacun de nous, en tant que soignant ou patient, de s’approprier ces avancées législatives pour apaiser ces moments difficiles.

La problématique de la fin de vie reste pour nos concitoyens source de préoccupation. Une évolution de la loi Leonetti de 2005 vient d’être adoptée par une nouvelle loi du 27 janvier 2016 (promulguée le 2 février 2016), portée par les députés Claeys et Leonetti, et contenant plusieurs avancées.

Différentes avancées de la loi Claeys-Leonetti


Renforcement du caractère opposable des directives anticipées.

Les directives anticipées ne s’appliquent qu’à la fin de vie, et ne doivent être consultées que si le patient est hors d’état d’exprimer sa volonté.

Les directives anticipées, qu’est-ce que c’est ?

Les directives anticipées expriment la volonté du patient pour le cas où il serait un jour hors d'état d'exprimer sa volonté concernant sa fin de vie. Avant cette loi, le médecin tenait compte des directives anticipées, maintenant elles s’imposent à lui. Il existe deux dérogations :

  • Les situations d’urgence, le temps qu’elles soient examinées sereinement
  • Les directives anticipées manifestement inappropriées à la situation du patient
Le rôle du médecin dans l’aide à leur rédaction est essentiel car il connait les situations médicales et leurs spécificités. Le patient a la possibilité de les modifier ou de les révoquer quand il le souhaite et par quelque moyen que ce soit (message audio, lettre, vidéo…).


Le rôle de la personne de confiance

La personne de confiance désignée par le patient porte témoignage de la personne malade hors d’état d’exprimer sa volonté. Elle doit répondre à la question «qu’aurait voulu le patient ?».

La loi prévoit que son témoignage prévaudra sur tout autre, sauf si le patient a rédigé des directives anticipées. Cela suppose que la personne malade ait eu l’occasion de le faire connaître à l’équipe soignante et d’échanger avec cette personne, et ce de façon suffisamment régulière pour qu’elle puisse être le témoin des valeurs et de l’état de
santé du patient qui ont pu évoluer avec le temps.


La sédation profonde et continue

Cette loi n’autorise ni euthanasie, ni suicide assisté mais instaure un droit à une sédation profonde et continue jusqu’au décès chez :

Un patient en état d’exprimer sa volonté

  • S’il est atteint d’une affection grave et incurable dont le pronostic vital est engagé à court terme et qui présente une souffrance réfractaire au traitement
  • S’il est atteint d’une affection grave et incurable et décide d’arrêter un traitement au titre de l’obstination déraisonnable, ce qui engage son pronostic vital à court terme et est susceptible d’entraîner une souffrance insupportable

Un patient incapable d’exprimer sa volonté

  • Dans un contexte d’arrêt d’un traitement au titre de l’obstination déraisonnable, et après avoir mis en place la procédure de collégialité prévue par le code de déontologie
Sans que l’intention soit de faire mourir, la loi reconnait de façon pragmatique au patient le droit « de ne pas être témoin de ce qui va advenir » par le caractère « profond et continu » de la sédation tout en répondant à une peur récurrente des citoyens de voir se prolonger inutilement l’agonie.

La loi reconnait que l’évolution des évènements peut certainement être influencée par la sédation sans que le contrôle absolu du moment du décès ne fasse tomber cette pratique dans le champ de l’euthanasie. La procédure collégiale de décision reste plus que jamais d’actualité (et verra certains de ces contours modifiés par un décret). La nutrition artificielle et l’hydratation constituent un traitement et pourront donc être arrêtés comme tout autre traitement de suppléance.


La loi apporte donc indéniablement des avancées qui répondent à l’attente de beaucoup mais, devant la complexité de certaines situations de nombreux patients, il conviendra de mettre en place une « vigilance éthique ».

Une analyse au cas par cas, pourra être demandée par les équipes hospitalières avec l’appui, si nécessaire, de la direction des affaires juridiques et éthiques pour un éclairage juridique, et du comité d’éthique de l’établissement (ou des comités d’éthique de service ou de pôle lorsqu’ils existent).


loi claeys-leonetti© CHU de Bordeaux


Les applications en Aquitaine : Un espace de réflexion éthique régional


Créés par la loi bioéthique du 6 août 2004, les Espaces de Réflexion Ethique Régionaux ont surtout vu le jour sous l’impulsion de l’arrêté du 4 janvier 2012 qui définit leur contour et leurs missions. Ils ont vocation à susciter et à coordonner les initiatives en matière d’éthique dans le domaine des sciences de la vie et de la santé,
dans chaque région.

L’Espace de Réflexion Ethique d’Aquitaine (EREA) a pour sa part vu le jour au printemps 2014. Depuis, il organise chaque année une journée à thème, ainsi que des débats citoyens (sur la fin de vie et l’obstination déraisonnable, sur les thérapies coûteuses, autour du prélèvement d’organes…).

Loi Léonetti© CHU de Bordeaux


Les applications au CHU de Bordeaux : un comité d'éthique


Qu’est-ce qu’un comité d’éthique ?

C’est une instance chargée de conduire une réflexion éthique au sein du CHU.

Le comité, restructuré fin 2015, réunit des professionnels de santé, des personnes qualifiées choisies pour leurs compétences (philosophes, sociologue, juristes…) et tout professionnel du CHU manifestant un intérêt pour les problèmes d’éthique. Il est indépendant quant à ses observations et avis, mais il ne se substitue ni au médecin, seul responsable de ses décisions médicales, ni à d’autres instances institutionnelles de l’établissement.

Il n’a pas vocation non plus à remplacer les groupes de réflexion éthique, formels ou
informels, qui ont été constitués dans les services et les pôles du CHU.


Ses missions

Le comité organise des séances régulières de réflexion éthique sur des thèmes déterminés, en lien avec la pratique médicale, soignante…

Il émet des avis sur des problématiques posées par les services lorsque celles-ci soulèvent des questions éthiques (saisine). Il peut aussi, en lien avec l’EREA, organiser des journées de réflexion éthique.


Comment le saisir ?

Tout service du CHU, y compris dans les secteurs qui ne dispensent pas de soins, peut demander un avis au comité. La demande transmise doit comporter les principaux éléments de la problématique et doit au préalable être validée par les responsables des services.


Comment adhérer au comité ?

Tout membre du personnel du CHU, quel que soit son grade ou sa compétence, peut adhérer au comité. Il est également possible de participer aux réunions plénières, régulièrement organisées par le comité sans y avoir adhéré.



Cet article n’a pas pour vocation de détailler la loi et ses applications, mais pour plus de renseignements vous pouvez consulter les sites :
> www.has-sante.fr
> www.legifrance.gouv.fr

Information juillet 2016 - Source journal Passerelles n°81 juillet 2016
Auteurs :
Dr Alexandre Boyer, Dr Benjamin Clouzeau, praticiens hospitaliers, réanimation médicale - groupe hospitalier Pellegrin
Christine Ribeyrolle-Cabanac, Directrice des affaires juridiques et éthiques
Dr Olivier Guisset, praticien hospitalier, réanimation médicale - hôpital Saint-André