Dr Cogrel O, Dr Orlandini V, Dr Amici JM - Dermatologie - CHU de Bordeaux
L'aspect cicatriciel constitue tant pour le patient que pour l'opérateur l'élément déterminant pour juger de la réussite d'une chirurgie cutanée. La cicatrice idéale se doit d'être fine, imperceptible bien positionnée dans des zones d'ombre ou de faible visibilité.
La cicatrisation correspond à une cascade d'événements biologiques complexes aboutissant à la réparation d'une plaie cutanée, dont l'évolution est plus ou moins prévisible et qui dépend de multiples facteurs. Ces facteurs sont liés au patient, à l'opérateur, à la qualité de la suture et au type de reconstruction. Ils doivent être pris en compte les uns après les autres tout au long du processus chirurgical, lors des phases pré-opératoires, per-opératoires et post-opératoires.
En effet au-delà de l'acte chirurgical, il est indispensable de prévenir une cicatrisation pathologique et de bien gérer les différents modes de cicatrisation délétères possibles malgré toutes les précautions prises. Dans ce chapitre, les plus fréquentes dystrophies cicatricielles observées en chirurgie dermatologique seront développées ainsi que les techniques chirurgicales ou médicales pour y remédier.
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Physiopathologie : cicatrisation normale et pathologique
La cicatrisation d'une plaie chirurgicale par rapprochement des berges évite les phases de bourgeonnement, d'épidermisation et permet en l'absence de complications, d'obtenir une cicatrice plate et fine, acceptable sur le plan cosmétique. Le remodelage secondaire de la cicatrice par la réorganisation des fibres élastiques et collagènes permet d'atteindre un état proche de l'état d'origine. Lorsque toutes les conditions sont optimales, il n'est pas nécessaire de proposer de traitement particulier. Grâce à une meilleure connaissance de la physiopathologie il est maintenant possible d'améliorer les processus de cicatrisation et donc la qualité des cicatrices, notamment en modifiant l'environnement physique : thermique, mécanique ou cytokinique. On sait en outre que les forces de tension qui s'exercent sur une plaie participent à la qualité de la cicatrisation.
Facteurs déterminant de la cicatrisation
La qualité finale d'une cicatrice est sous la dépendance de multiples facteurs intervenant tout au long de la séquence chirurgicale de la phase préopératoire à la phase post opératoire d'accompagnement cicatriciel :
- Facteurs préopératoires, le terrain : la consultation préopératoire, permet de documenter les antécédents du patient et d'identifier les sujets à risque (artériopathie, diabète, tabagisme, l'état général et nutritionnel, les troubles de l'hémostase).
- les médicaments : les corticoïdes, les immunosuppresseurs et anti cancéreux, les anticoagulants ou les antiagrégants plaquettaires, les rétinoïdes.
- Facteurs locorégionaux du site opératoire :
- Les antécédents d'interventions chirurgicales dans la zone à opérée
- Une radiothérapie préalable sur le site opératoire
- le report d'une intervention en cas d'infection du site opératoire ou de foyer infectieux loco-régional (bucco-dentaire)
Facteurs techniques peropératoires
Les fondamentaux techniques de l'intervention chirurgicale doivent être parfaitement maitrisés de l'incision à la fermeture : l'incision, l'hémostase, les sutures.
La qualité de la cicatrice est la résultante de plusieurs facteurs : le mode de reconstruction, l'intégration des cicatrices dans une « unité esthétique », les choix de correction des excédents tissulaires et le respect des bords libres des orifices. L'exérèse-suture directe est le procédé le plus souvent utilisé en chirurgie dermatologique.
L'accompagnement cicatriciel post opératoire
L'intervention se termine par la mise en place d'un pansement qui conclue le temps opératoire et ouvre celui de la cicatrisation. Une cicatrice a un aspect définitif après 12 à 16 mois d'évolution. Un accompagnement actif de cette phase en particulier pendant les six premiers mois, permet d'optimiser la qualité de la cicatrice résiduelle. Les premiers jours de suivi permettent de prendre en charge les complications précoces éventuelles source de déhiscence et d'adapter le pansement à chaque situation. Un accompagnement cicatriciel de différents types (par exemple : feuilles et gels de silicone, laser diode, laser à colorant pulsé, laser fractionné ablatif, injection de TGF Beta 3, massages palper-rouler) selon chaque cas.
Traitement chirurgical des cicatrices
La révision chirurgicale d'une cicatrice est une décision de dernier recours qui reste peu fréquente. Si la décision s'impose d'emblée devant une bride cicatricielle ou l'attraction d'un bord libre d'orifice elle sera discutée et envisagée en cas d'échec des méthodes non invasives.
La cicatrisation est un phénomène inéluctable et fantastique, réponse du revêtement cutané à toute atteinte de son intégrité. La cicatrice reste le critère objectif de réussite d'une chirurgie cutanée tant pour le patient que pour l'opérateur. Le mythe de pouvoir opérer sans cicatrices subsiste et reste très répandu. Il est donc crucial de bien informer le patient lors de la consultation préopératoire, de la taille et du positionnement de la cicatrice attendue, compte tenu des contraintes anatomiques et des nécessaires marges de sécurité lors de l'exérèse d'une tumeur maligne. Il convient de l'informer également du caractère aléatoire du résultat du fait d'inégalités individuelles multifactorielles. Cet aléa cicatriciel est toutefois minoré si l'on prend soin d'identifier les patients à risque en préopératoire, de respecter les fondamentaux techniques pendant l'intervention et de procéder à un accompagnement cicatriciel dynamique pour apporter à nos patients le meilleur résultat esthétique.
Information septembre 2011